Cette partie de l’Atlas propose un regard critique et prospectif sur les paysages de la Gironde.
Evolutions, enjeux et orientations
Un point d’arrêt est fait sur les principales valeurs paysagères du département. Finalement, au-delà du foisonnement des paysages, présentés, expliqués et décrits dans les premières parties de l’Atlas, qu’est-ce qui fait la valeur du cadre de vie girondin ? Qu’est-ce qui constitue fondamentalement la personnalité du visage offert de la Gironde ? Qu’est-ce qu’il offre de meilleur ? Par quoi peut-on re-connaître le département et partager cette reconnaissance ? Dans le présent Atlas, cinq valeurs sont mises en exergue.
Cette étape est indispensable pour aborder en deuxième partie les processus de transformation des paysages et porter dessus un regard critique, à la lumière des valeurs préalablement identifiées. Car ces paysages sont soumis à de puissantes dynamiques. Sur un territoire attractif, sensible et fragile, la force des évolutions est démultipliée. Cinq chapitres permettent de mettre au jour les processus, par l’analyse diachronique de photographies aériennes et de cartographies, par la synthèse de données chiffrées, par des témoignages qui font état d’une sensibilité aux enjeux, et par quelques reconductions de photos anciennes, qui permettent se saisir les transformations opérées dans la dimension de la perception sensible.
Chacun des processus est largement illustré par photographies légendées et commentées, de façon à être compréhensibles par tous. Plus tard, ces photographies, géoréférencées, pourront à leur tour être reconduites au moment ad hoc, pour saisir la nature évolutive des phénomènes identifiés. L’observatoire photographique du Département permettra, d’année en année, de révéler ces phénomènes.
La mise en évidence de ces processus et leur analyse critique conduisent à formuler des orientations possibles. Pour chaque orientation, les objectifs visés sont rappelés et les principes d’aménagement à adopter sont proposés. Il s’agit de principes généraux, susceptibles de servir de guides des bonnes pratiques pour améliorer la qualité dans les nombreux processus à l’œuvre de fabrication des paysages. Ces principes peuvent donc alimenter les débats entre les acteurs sur les niveaux d’ambition à porter à un aménagement ; ils peuvent aussi nourrir les objectifs que se fixent les maîtres d’ouvrage en matière de qualité, les cahiers des charges des consultations, etc.
Là encore, chaque orientation est largement illustrée, cette fois-ci d’exemples positifs, la plupart pris en Gironde. C’est la preuve que de belles choses sont capables de se faire en matière de paysage. Les exemples ainsi identifiés peuvent être sources d’inspiration pour agir à bon escient en faveur d’un cadre de vie maîtrisé et soigné.
Ces orientations proposées dans l’atlas, une fois débattues et partagées, ont vocation à devenir des « objectifs de qualité paysagère » (l’expression vient de la Convention européenne du paysage), appelés à rassembler les nombreux acteurs du territoire sur une même ambition d’avenir pour les paysages girondins. Cela supposera, pour chaque orientation et dans le cadre d’une concertation qui reste à mener, d’identifier :
- les secteurs principalement concernés
- les contraintes à lever
- les acteurs concernés et les partenaires à mobiliser
- les outils et les leviers d’actions existants ou à développer.
Cette ambition contribuera à l’animation de l’Atlas et à l’enrichissement progressif de ses contenus.
Les valeurs paysagères clefs de la gironde
Ce chapitre est une synthèse sur ce qui fait la personnalité des paysages de la Gironde, ce qui peut nourrir les politiques d’aménagement pour poursuivre la construction de cette personnalité. Elle constitue une étape indispensable avant de porter un regard critique sur les évolutions en cours (valorisent-elles ou dévalorisent-elles ?), mais aussi une source d’inspiration pour agir de façon juste sur le territoire (comment valoriser les paysages au travers des grandes décisions stratégiques et au travers des façons de faire concrètes et opérationnelles).
La pinède des Landes girondines, les plages atlantiques, les clairières de maïsiculture, les horizons viticoles, l’estuaire de la Gironde, les quais de Bordeaux,...
Les paysages les plus emblématiques de la Gironde ont pour trait partagé leurs dimensions hors du commun : s’étendant sur des surfaces colossales, tel le massif des Landes ( environ un million d’hectares), ou s’étirant en longs rubans, comme les plages océaniques qui le bordent (à peu près 250 km entre la pointe de Grave et l’Adour), ils offrent des images fortes, devenues représentatives du département. Si certains de ces paysages sont naturellement vastes, à l’image de l’estuaire, d’autres sont directement issus des transformations humaines du territoire, comme les larges horizons viticoles ou encore les généreux quais de Bordeaux, qui proposent une facette plus urbaine de cette ampleur girondine.
A l’échelle nationale, et même européenne, ces vastes paysages constituent une particularité propre au département. Ces grands horizons sont pour partie attractifs, et contribuent à la valeur économique et touristique de la Gironde : les grandes plages, les quais de Bordeaux réhabilités, le vignoble... Mais ils peuvent aussi être source de fragilité : on peut émettre l’hypothèse que l’étalement de l’agglomération bordelaise "à l’américaine" tient pour partie à la disponibilité "sans limite" de l’espace. Dans un autre registre, les dispositions radicales d’aménagement de la forêt des Landes ont pu constituer des paysages "simples", considérés par certains comme monotones. Dans tous les cas, cette immensité constitue une valeur d’avenir aux yeux d’une population européenne aujourd’hui très largement urbaine : territoires d’évasion, de respiration, de liberté,...
Mouvants : les vasières du bassin et de l’estuaire, les îles et gravières...
Maîtrisés : les canaux, les crastes et fossés, les digues, les marais, les cours d’eau chenalisés...
Pratiqués : pêche, chasse, ostréiculture, plaisance, baignade, camping, promenade...
Présente sous une grande diversité de formes, l’eau compose en Gironde des ambiances multiples, depuis les discrètes lagunes qui parsèment le massif forestier des landes de Gascogne, jusqu’aux amples méandres des fleuves Garonne et Dordogne. Aux paysages naturellement mouvants du bassin d’Arcachon et de l’estuaire, évoluant au rythme des marées, répondent les ouvrages techniques d’origine humaine, conçus pour la maîtrise du territoire : digues, crastes, canaux et polders, outils principaux de l’expansion des terres exploitables, devenus aujourd’hui des éléments de patrimoine qui contribuent à la qualité et à l’originalité des paysages du département. Du littoral au cœur du département, de très nombreux usages sont liés à ces présences multiples de l’eau : pêche, chasse, ostréiculture, plaisance, baignade... renforcent la valeur affective portée à ces paysages, finalement très culturels sous leurs aspects naturels.
La pinède, la vigne, les marais, l’ostréiculture, les politiques d’aménagement du territoire (bastides, XIIIe ; Bordeaux, XVIIIe ; stations balnéaires, XIXe ; MIACA, XXe ; Bordeaux 2030, XXIe),...
Tant en ce qui concerne les paysages urbains que les territoires cultivés, l’aménagement du territoire girondin a fait de longue date l’objet de politiques volontaristes, qui marquent aujourd’hui encore le département. Le massif forestier des Landes girondines ou les marais littoraux de l’estuaire ne doivent ainsi leur forme actuelle qu’à des interventions humaines conséquentes visant à permettre leur exploitation. Quant aux implantations urbaines, nombre d’entre elles ont été guidées par des projets cohérents, qu’il s’agisse des bastides du Moyen-Âge, des stations balnéaires du XIXe siècle ou encore des transformations en cours sur l’agglomération bordelaise (projets Bordeaux 2030). Dans ce contexte, le laisser-faire de l’urbanisation d’habitat et d’activités surconsommatrice d’espace, vécu depuis quelques décennies, s’oppose à cette valeur culturelle ’aménagiste’ de l’espace girondin.
Aspect jardiné, peigné, amoureusement travaillé, produit valorisant, attrait touristique, renommée mondiale,...
Symbole premier de la renommée de Bordeaux, le vin impose fortement sa marque à une très large partie nord-est des paysages girondins. L’importante valeur économique de la viticulture justifie les soins attentifs prodigués aux vignes, et donnent à ces étendues de règes une image peignée, jardinée, souvent très valorisante. Au-delà de la qualité de la production, les vignes constituent également une véritable attraction touristique, et jouissent aujourd’hui d’une reconnaissance patrimoniale grandissante dont témoigne au premier chef Saint-Emilion et l’inscription de son vignoble sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Bordeaux, les châteaux viticoles, les forts Vauban, les églises, le patrimoine architectural contemporain,...
Depuis longtemps vécus et habités, les paysages girondins se sont enrichis d’un patrimoine architectural de qualité, marqué notamment par la forte présence de la pierre calcaire, aux qualités changeantes selon son origine et sa mise en œuvre. Des bâtiments prestigieux du centre de Bordeaux aux châteaux viticoles qui parsèment le territoire, en passant par les nombreuses églises ou par les forteresses, le passé a légué ici un héritage bâti précieux, et cette tradition de qualité perdure aujourd’hui à travers des projets d’architecture contemporaine qui contribuent à valoriser l’image du département.
Les évolutions au long cours
L’approche archéo-géographique développée dans ce chapitre Les évolutions au long cours met en évidence trois grands types de paysages Girondins : le plateau et la forêt des Landes ; le littoral ; les marais de l’estuaire de la Gironde. Plutôt que de brosser l’histoire de ces paysages, les chapitres s’attachent à présenter les éléments de permanence qui forgent la personnalité du territoire Girondin, traversant le temps jusqu’aux interrogations contemporaines : celles liées au devenir de la forêt après les tempêtes Martin de 1999 et Klaus de 2009 (plusieurs dizaines de millions de m3 de chablis à chaque fois) et à la disponibilité d’un important foncier qui pourrait être utilisé pour l’implantation de fermes solaires ; celles du changement climatique et de l’attaque du littoral atlantique et estuarien.
Les enjeux de l’approche archéo-géographique
L’aménagement des territoires, milieux et paysages se trouve aujourd’hui confronté à la question de la durabilité. Le choix de faire du « développement durable » une exigence politique et un cadre réglementaire de l’action publique conduit à prendre en compte la durée prospective (quels choix pour demain ?) et rétrospective (quelle est la trajectoire des dynamiques à l’œuvre ?). Sans prise en compte de la durée et de la durabilité des formes de l’écoumène, de leurs conditions d’émergence, de transmission et de résilience dans le temps long, comment, en effet, promouvoir un développement et un aménagement durables ? Le droit de l’environnement, par la promotion de nouveaux principes (principe de précaution, notamment, qui suppose, dans le domaine qui nous occupe ici, une bonne connaissance des situations existantes et des effets induits par tout nouvel élément fonctionnel inscrit dans l’espace), invite à cette prise en compte du rôle de la mémoire et de l’héritage dans l’aménagement.
Cette vision dynamique des prospectives, fondée sur l’histoire des lieux et des milieux, se prête mal, cependant, aux périodisations historiques habituelles, car c’est autant d’espace que de temps dont il est question. L’idée selon laquelle une période définit simultanément un même processus (partout la même chose dans la même chronologie) est ainsi progressivement abandonnée ce qui conduit à envisager la production des formes paysagères au travers de nouvelles spatiotemporalités historiques qui n’ont pas de rapports obligés avec les « périodes » historiques et archéologiques. Gérard Chouquer a ainsi proposé plusieurs niveaux fondamentaux de réalisation des formes, sortes de « tendances lourdes », qui peuvent se superposer, se compléter ou s’opposer dans l’espace et dans le temps et qui, en association ou en conflit, produisent les véritables périodes de l’histoire de l’écoumène (héritage, émergence, projet, organisation, représentation et auto-organisation). Ces tendances lourdes (évolution) permettent de mettre en perspective les enjeux actuels de l’écoumène girondin et de suggérer des orientations pour la mise en œuvre des politiques publiques.
La majeure partie des terres girondines situées à l’ouest de la Garonne et de l’estuaire de la Gironde (exception faite de leurs vallées alluviales) fait partie d’une vaste région naturelle, bien individualisée par ses caractères géologiques (une morne plaine de sable), qui forme un triangle entre l’Océan Atlantique, la Garonne et l’Adour.
Sur ce vaste plateau règne sans partage la forêt cultivée de pins maritimes qui est aussi la plus grande forêt d’Europe. Malmenés par les tempêtes Martin et Klaus de 1999 et 2009, la forêt et les sylviculteurs se voient aujourd’hui disputer ces lieux par d’autres projets et d’autres acteurs. Inscrire ces projets nouveaux dans une histoire de longue durée du rapport et des usages des sociétés à ces lieux et milieux permet de dépasser les conflits actuels et d’ouvrir sur des scénarios prospectifs.
Une situation d’héritage : le régime agro-pastoral des sociétés médiévales et modernes de la Lande
Cette région est marquée par de fortes contraintes géo-physiques : un réseau hydrographique peu hiérarchisé (la petite et la grande Leyre et leurs maigres affluents, dans la partie centrale du plateau), d’immenses interfluves privés de drainage naturels, donc gorgés d’eau une bonne partie de l’année, des sols siliceux extrêmement pauvres (le podzol landais) formant en profondeur des bancs d’alios imperméables. La flore à l’état naturel y est peu variée : genêts, ajoncs, bruyères, molinie et sur quelques monticules argileux (antérieurement à l’extension de la forêt cultivée), quelques bouquets de pins ou de chênes tauzins. Ce milieu a imposé de lourds déterminismes aux sociétés qui vivaient sur la Lande, antérieurement à l’enrésinement généralisé des communaux au milieu du XIXe siècle, et qui ont dû composer avec la rareté des ressources naturelles. En effet, la terre est si pauvre qu’elle ne pouvait être cultivée que par l’apport de grandes quantités d’engrais provenant de la litière des moutons transformée en fumier : sans landes pas de troupeaux, donc pas de fumure donc pas de cultures.
Cette équation a fondé le fragile équilibre du régime agro-pastoral des sociétés médiévales et modernes de la Lande. Il rend compte des formes d’organisation de l’écoumène telles que nous permettent de les appréhender au XVIIIe siècle les cartes de Masse, de Belleyme et de Cassini : des îlots de peuplement et d’occupation, reliés entre eux par des réseaux de chemins et de voies de grand parcours, entourés d’immenses étendues de landes et de marécages.
C’est cette société agro-pastorale et ce paysage que Félix Arnaudin a photographié à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle — ses clichés ne concernent toutefois que l’actuel département des Landes —, avant qu’ils ne disparaissent définitivement avec la généralisation de l’enrésinement des communaux après la loi de 1857.
Dans cet équilibre, la forêt naturelle de pins et de feuillus, très présente le long des vallées (forêt-galerie) et sur les têtes de vallons, entrait directement en concurrence avec l’homme pour la colonisation des terres les plus saines. Elle fut donc défrichée au profit des champs et des pacages : « Le Landais fut l’ennemi de l’arbre avant de le ressusciter » (J. Sargos). Sur la Lande, c’est à l’emplacement des anciens bois de pins et de feuillus que furent implantés les quartiers et François Lalanne a posé l’hypothèse que les chênes et les châtaigniers centenaires des airiaux actuels pourraient être les rescapés de ces bois primitifs.
L’émergence de la sylviculture (fin XVe-début XVIe siècles)
La réformation des coutumes de la prévôté et de la ville de Dax en 1514 laisse apparaître une disposition nouvelle qui n’apparaît pas dans les textes du Moyen Age : la liberté de clore ses bois pour les protéger des dommages causés par le bétail. « Et si, en aubarèdes, taillis et jeunes pinhadars, le betail du voisin y est trouvé, le seigneur du bestail paye le domage au seigneur de l’heritage ». Cet article enseigne qu’en 1514 on créait déjà des forêts artificielles de pins maritimes (pinhadars) et que cette pratique était suffisamment ancienne et répandue pour qu’il soit nécessaire de légiférer à son sujet (elle pourrait dater du XVe siècle). Les coutumes locales, permettant l’appropriation individuelle des terres (droit de perprise) et leur mise en défens, favorisèrent ce processus d’enrésinement de la Lande, permettant l’enrichissement de quelques paysans hardis que Roger Sargos appelle les paysans propriétaires.
Cette extension de la forêt cultivée est liée à la pratique du gemmage (pratique attestée dès la protohistoire dans les Landes) qui consistait à recueillir la sève des pins et à la transformer en pains de résine (pour les chandelles et les torches), en poix (pour enduire les cordages et les voiles des bateaux) ou en térébenthine. En raison des difficultés du transport, le bois, pour la majorité, était transformé en charbon. Cette colonisation des bois de pinhadars semble démarrer au XVe siècle (peut être avant) depuis les grands massifs naturels qui bordaient les vallons de la Grande Lande, dans l’intérieur des terres (Salles, Belin et Béliet), et du littoral depuis La Teste (Gironde) jusqu’à Capbreton (Landes) et au-delà vers le sud, en direction de Bayonne (Marensin et Maremne). Le rôle du port de Capbreton est de ce point de vue parfaitement établi.
Développement de la sylviculture et prise de conscience de l’étendue du désert landais (organisation) aux XVIIe et XVIIIe siècles
Depuis le Sud et le centre du plateau, la forêt artificielle gagne progressivement vers le Nord au début du XVIIe siècle, sous l’impulsion de seigneurs entreprenants, de parlementaires mais aussi de marchands, de bourgeois et de gros et moyens laboureurs. Au XVIIIe siècle, le mouvement prend de l’ampleur en bordelais où l’on assiste à une véritable fureur de planter, en raison de la demande en bois à brûler et surtout d’échalas pour le vignoble. En revanche, sur la majeure partie du plateau landais, l’absence de drainage et la rareté des communications excluront les grands ensemencements jusqu’au XIXe siècle. À quel type de planimétrie ces opérations ont-elles abouti ? Sur la commune du Teich, les plantations de Daniel Néser, banquier et spéculateur suisse qui engloutira sa fortune dans un projet de colonie agricole, adoptent un ordonnancement géométrique, avec de grandes allées tracées en étoile et des ronds-points centraux qui trahissent les idées de l’urbanisme des lumières.
Dans la plupart des cas, toutefois, il est probable que les enrésinements se sont faits par agrégations de parcelles, sans plan préétabli. La recherche, sur ce point, doit encore progresser, mais quoi qu’il en soit, il est certain que ces opérations, en certains lieux, ont progressivement développé une trame plus ou moins continentalisée et étendue dans l’espace. Cette colonisation progressive du pin sur la Lande au cours des XVIIe et XVIIIe siècles s’accompagne d’une prise de conscience de l’étendue du désert landais grâce à deux entreprises majeures de levées cartographiques : celle de Claude Masse en Médoc et Pays de Buch entre 1688 et 1724 et surtout celle de Belleyme, à l’échelle de la généralité de Guyenne, entre 1761 et 1819. Charles-Robert Boutin, administrateur épris de progrès, ardent admirateur de physiocrates, souhaitait connaître l’étendue de ces déserts qu’il rêvait de défricher, ainsi que la situation des dunes et des côtes. Dès le départ, les Landes s’inscrivirent donc au cœur de l’opération. Ces cartes participent de la prise de conscience de la nature, de la qualité et de l’étendue de ces lieux (les habitations, les labours, les cours d’eau, les marais, les bois, les vignes, les chemins sont représentés avec une admirable précision) et accompagnent le développement de l’enrésinement à l’œuvre à cette époque (XVIIe-XVIIIe s.). Partout, néanmoins, les plantations de pins sont freinées par le poids du pastoralisme ainsi que par les réticences des paysans à abandonner leurs vacants.
La mise en système d’un schéma de représentations (XVIIIe-début XIXe siècles)
À partir du XVIIIe siècle et durant la première moitié du XIXe siècle s’affirme un puissant courant d’opinion, émanant d’une élite savante et urbaine de hauts fonctionnaires, d’éditorialistes et d’entrepreneurs pétris de la philosophie de l’histoire héritée des Lumières, qui sur la base de correspondances entre réalités géographiques et caractères anthropologiques, décrit les Landais comme de mauvais sauvages peuplant une steppe marécageuse entièrement vide.
« Il faudra bien du temps avant que la lande ait cessé d’offrir au regard attristé, pendant l’été, la nudité des déserts d’Afrique, pendant l’hiver, l’humide et froide surface des marais de la Sibérie », écrit ainsi en 1855 le géographe Malte-Brun. La définition de cet ethnotype landais (le quadrumane) figure locale du primitif universel, associé à la réprobation de lieux associés à l’Ancien Régime participe de la construction du récit historique et géographique de l’Etat Nation.
Un lyrisme conquérant domine la plupart des textes se rapportant aux Landes dans lesquels une obsession se fait jour, celle de coloniser ce désert afin d’annexer au Royaume une nouvelle province. La sauvagerie des lieux et des hommes contribue ainsi à justifier cette colonisation intérieure, laquelle fait écho à la colonisation de l’Afrique qui se déroule à la même époque : [Leur seule patrie est] « ce grand désert sablonneux, le Sahara de la France, qui attend leur dépouille, et qui doit bientôt recouvrir ces derniers sauvages destinés sans doute à disparaître sans retour. La civilisation, en effet, les chasse devant elle, comme fait aux Etats-Unis la colonisation américaine » (H. Ribadieu, 1859).
Nouveau processus d’émergence (XVIIIe-début XIXe siècles)
Forts de ce schéma de représentations et portés par les idées des physiocrates qui considèrent que nulle terre, si pauvre soit-elle, ne peut rester stérile sous la double action de l’intelligence et des capitaux, de multiples projets voient le jour. Ainsi à Certes, au nord-est du bassin d’Arcachon, où le marquis de Civrac accense, en 1757, 240 000 arpents de landes en vue d’y établir de nouveaux habitants (pas moins de 300 000 personnes sont attendues !) ; au Teich, où le banquier suisse Néser acquiert du seigneur de Ruat, en 1766, 40 000 journaux en vue d’y implanter une colonie de peuplement. Mais parce que le dogme physiocratique plaçait la céréaliculture et l’élevage au-dessus de tout, ces projets échouent lamentablement les uns après les autres. Ailleurs, dans le même temps, d’autres tentent de développer la culture de l’arachide, d’acclimater le buffle et le dromadaire.
Tous font faillite. Certains, plus conscients des réalités locales, préconisent la culture du pin. En 1776, Guillaume Desbiey rédige un mémoire sur La meilleure manière de tirer parti des Landes de Bordeaux, tirant le bilan d’un essai de fixation d’une dune mobile, entrepris avec son frère Matthieu, en 1769, à Saint-Julien-en-Born. Desbiey souligne que le plus grave obstacle à la mise en valeur des terres, outre la stagnation des eaux, est l’absence de voies de communication. Il préconise ainsi la construction d’un canal permettant de transporter les produits de la forêt dont il recommande la plantation. C’est cette idée que Claude Deschamps et son gendre Billaudel tenteront en vain de concrétiser dans le second quart du XIXe siècle à travers un ambitieux projet de canal reliant l’Adour à la Garonne à travers les Landes. Dans le même temps, François de Ruat, le dernier Captal de Buch, ensemence des lettes (dépressions situées entre les dunes) dans les environs d’Arcachon et du Cap-Ferret aidé en cela par un homme du pays, Peyjehan jeune. C’est dans ce même secteur et avec l’aide du même Peyjehan jeune que Nicolas Bremontier, ingénieur de l’administration royale, expérimente entre 1786 et 1793 la culture du pin maritime pour fixer la dune littorale entre Le Pyla et Arcachon.
Planification et auto-organisation dans la durée (XIXe-XXe siècles)
La rédaction, par Brémontier, d’un Mémoire sur les dunes, dressant un bilan très positif de ses essais de plantation de pins est envoyé au gouvernement à Paris en 1796. En 1801, Brémontier est nommé président de la Commission des dunes tandis qu’un arrêté signé des consuls de la République initie la fixation systématique des dunes du littoral des départements de la Gironde et des Landes. Cette politique sera suivie jusqu’en 1867 et verra la plantation de 90 000 hectares de pins le long du cordon littoral. La révolution technologique des chemins de fer, qui s’opère au même moment, modifie les données de l’équation posée par Guillaume Desbiey s’agissant de l’absence de voies de communication. L’ouverture de la ligne de Bordeaux à La Teste par les frères Pereire, dans les années 1840, marque le développement d’un vaste réseau départemental, et ouvre le boisement des terres pauvres qui s’affirme alors, au nom de l’intérêt national, comme une priorité de l’aménagement du territoire.
Vers 1850, Jules Chambrelent, Ingénieur des Ponts et Chaussées, est chargé de l’assèchement et de la mise en culture des 700 000 hectares du plateau landais. L’ultime obstacle restait alors d’arracher aux communautés villageoises les landes dont elles avaient besoin pour leur bétail et qu’elles possédaient à titre personnel ou collectif depuis des temps immémoriaux. Sous l’impulsion de Napoléon III, est alors votée, le 19 juin 1857, une loi qui oblige les communes à assainir et à ensemencer leurs vacants.
Un grand nombre de propriétaires fonciers profitent dès lors du réseau des collecteurs pour mettre leurs parcelles en culture. Les pins, qui couvrent déjà près d’un million d’hectares au début du XXe siècle, vont prendre peu à peu la place des moutons et les gemmeurs ceux des bergers, marquant la bascule d’un système d’autarcie agraire, reposant sur des solidarités communautaires, à une forêt privée ouverte sur le marché. Entrée de plain-pied dans l’ère industrielle, la forêt se trouve à l’aube du XXe siècle au seuil de son âge d’or. Il durera jusqu’après la seconde guerre mondiale qui marque la fin du gemmage, concurrencé puis définitivement remplacé par les produits dérivés du pétrole. L’arbre d’or perd alors ce qui faisait la raison d’être de son exploitation et ne sera plus exploité, désormais, que pour son bois, principalement pour faire du lambris, de l’aggloméré et de la pâte à papier.
Nouveau processus d’émergence (fin XXe-début XXIe siècles)
Quel est l’avenir de la forêt cultivée ? Nul ne le sait, évidemment, mais la vision dynamique, adoptée ici, du rapport des sociétés à ces lieux et ces milieux, pensé en termes de cycles, permet de saisir, à coup sûr, un nouveau processus d’émergence à l’œuvre depuis quelques années.
C’est le troisième, après celui du XVIe siècle qui voit l’apparition des premières plantations de pins maritimes, puis du XVIIIe siècle qui expérimente, de façon brouillonne, différentes solutions de mise en valeur du plateau landais, parmi lesquelles émergera la systématisation de la culture du pin. Le processus actuel est lié à la question de la pérennité de la forêt landaise après les tempêtes Martin de 1999 et Klaus de 2009 (plusieurs dizaines de millions de m3 de chablis à chaque fois) et à la disponibilité d’un important foncier qui pourrait être utilisé pour l’implantation de fermes solaires. Déjà, au début des années 1950, de nombreux sylviculteurs avaient renoncé à reboiser les parcelles brûlées lors des incendies de l’été 1949, permettant l’implantation des « grands champs », gigantesques parcelles d’un seul tenant vouées à la maïsiculture.
L’objectif de réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES) promu dans le cadre de la politique d’atténuation des effets du changement climatique porté par le Grenelle de l’environnement, pousse à la valorisation des énergies renouvelables, dont le solaire, qui trouve en Gironde des conditions favorables, tant en termes d’ensoleillement que de foncier disponible. Plusieurs projets sont ainsi déjà à l’étude ou en voie de réalisation en Gironde, à Saint-Symphorien, Cestas, Préchac et Cazalis portés par l’obligation faite à EDF de racheter, à un prix très supérieur à celui du marché, l’électricité ainsi produite. Les adversaires à ces projets d’implantation, parmi lesquels de nombreuses associations de défense de l’environnement mais également de sylviculteurs, mettent en avant le rôle de la forêt dans la capture du CO2 (puits de carbone) sans vraiment convaincre pour le moment. Le changement climatique devient l’argument d’une nouvelle guerre économique entre anciens et modernes. Sera-t-il à l’origine d’une nouvelle bifurcation des paysages ?
Lieu d’aménités, associés au bien-être et à la « Nature », le littoral girondin est marqué depuis quelques décennies par des dynamiques naturelles sourdes (élévation du niveau de l’océan, érosion du trait de côte, retrait dunaire), voire violentes comme en décembre 2009 lors de la tempête Klaus, ou plus récemment en février 2010, lors de la tempête Xynthia, heureusement moins dramatique qu’en Vendée ou Charente-Maritime. Une nouvelle représentation émerge ainsi progressivement qu’une histoire de longue durée du rapport et des usages des sociétés à ces lieux et milieux permet de mettre en perspective.
Des milieux mouvants et dévorants (héritage)
Commencée il y a environ 14000 ans, la transgression flandrienne (remontée durable du niveau marin après la dernière période glaciaire) a amené l’océan de – 80 mètres environ à son niveau actuel vers 3500 ans avant J.-C
Elle a été suivie, au cours des deux derniers millénaires avant notre ère (et au-delà jusqu’aux temps modernes), de variations de faible amplitude du niveau des eaux océanes, découvrant et recouvrant successivement des étendues plus ou moins importantes de la zone littorale. Le sable et les alluvions accumulés au débouché des estuaires de la Garonne, de la Leyre et des multiples ruisseaux qui rejoignaient l’océan à travers le plateau landais, repris puis redéposés par les courants tournants de la dérive littorale du golfe de Gascogne, ont alors été mobilisés par les vents dominants soufflants de l’Ouest et du nord-ouest, amorçant la formation du massif dunaire aquitain actuel. Deux générations de dunes (« paraboliques » et « barkanoïdes »), dont l’architecture tient à l’alternance de climats secs ou humides, résultent de ces régressions marines.
Ces dunes, en faisant obstacle à l’écoulement des rivières qui drainaient le plateau landais (appelés localement des courants), vont rapidement provoquer des accumulations d’eau douce en arrière du massif dunaire dont le niveau ne cessera de s’élever avec le temps, conduisant à la formation de la chaîne des lacs rétro littoraux actuels de la côte Aquitaine. L’histoire des populations de la zone littorale girondine est, depuis l’époque préhistorique, indissociablement liée à celle de l’activité dunaire et à la formation des lacs, avec lesquelles elles ont dû composer. Les sites archéologiques conservés au fond du lac de Cazaux en constituent l’un des plus anciens témoignages. Installés en bordure de la Gourgue dès le Premier Âge du fer (Ve siècle avant J.-C. environ), les hommes ont dû plusieurs fois déplacer leur habitat vers l’amont devant la progression des zones humides.
Trois sites ont ainsi été identifiés, datés respectivement du Premier Âge du Fer (Put Blanc), du Second Âge du Fer (Estey du Large) et de l’époque gallo-romaine (Losa). Ce dernier, d’une superficie d’environ 2 ha, est une station routière mentionnée dans l’itinéraire d’Antonin (IIIe siècle après J.-C.) établie au sud du pont qui permettait à la voie romaine littorale reliant Bordeaux (Burdigala) à Dax (Aquae Tarbellicæ) de franchir la Gourgue.
Les piles en bois de ce pont (datées de la deuxième moitié du Ier siècle avant J.-C.) ont été retrouvées, ainsi qu’un fanum (temple) en « garluche » et un important mobilier témoignant de la circulation des hommes et des marchandises (céramiques, monnaies, bijoux, etc.). Au IIIe siècle après J.-C., la montée des eaux rendant ce franchissement impraticable, une dérivation de la voie et un nouveau pont furent aménagés 500 mètres en amont. D’autres témoignages, cette fois textuels, illustrent les contraintes imposées aux hommes par ces milieux mouvants. C’est le cas à partir du XVIe siècle, où l’émergence d’une documentation écrite de type narratif (très différente des sources normatives juridiques de la fin du Moyen Age) permet de saisir les conséquences désastreuses de l’activité dunaire. Ainsi Montaigne, dans un passage des Essais, indique que son frère a vu en Médoc « une siene terre ensevelie soubs les sables que la mer vomit devant elle » ; et d’ajouter : « Les habitans disent que, depuis quelque temps, la mer se poulse si fort vers eux, qu’ils ont perdu quatre lieües de terre ». Claude Masse, au siècle suivant, affirme, dans ses mémoires, avoir vu « plusieurs forêts et grands bois de haute futaie engloutis sous le sable, et passer un cheval sur le sommet des arbres qui ne paroissent plus que par quelques bouts de branchages ». Et de rapporter les dires de paysans affirmant avoir « vu changer de place deux ou trois fois un même village ». De fait, on trouve sur sa carte du secteur du Porge un toponyme « vieille église » situé au milieu du massif dunaire, signalant l’emplacement d’une église ensevelie sous les sables…
D’autres cas sont plus connus, comme l’église romane Notre Dame de Fin des Terres de Soulac, ensevelie depuis le XVIe siècle au moins, qu’une souscription de l’archevêque de Bordeaux, lancée en 1858, permis de désensabler et de restaurer.
Premières plantations de pins sur les dunes : début XVIIIe siècle (émergence d’un processus)
L’idée de fixer les dunes au moyen de la plantation de pins maritimes revient à Jean-Baptiste Amanieu de Ruat, baron d’Audenge et conseiller du roi en la cour du parlement de Bordeaux, qui rachète le captalat de Buch à la famille de Foix-Grailly en août 1713. Pour protéger sa seigneurie de l’invasion des sables et faire produire un revenu à une portion stérile de son territoire, il sème des pins dans la zone du Béquet, puis baille à fief, en 1727, les lètes (vallées humides situées entre les dunes) du Grand Baron et de la Prade, à charge pour le preneur de les planter en pignadas. L’expérience se révèle un succès, jusqu’à ce qu’un berger, estimant que les droits d’usage immémoriaux des habitants de la seigneurie sur les vacants étaient bafoués, ne mette le feu aux semis de pins, ruinant le projet. Il faudra près d’un demi-siècle de tractations pour qu’aboutissent les démarches entreprises auprès du Roi de France par les descendants de Jean-Baptiste Amanieu de Ruat et que soit réuni, au corps de fief du Captalat, l’ensemble du massif des dunes littorales situées dans la seigneurie.Enfin autorisé à boiser les sables (dont l’accès est désormais interdit aux troupeaux), François de Ruat plante en pins, entre 1782 et 1787, avec l’aide de son homme de main Peyjehan jeune, plusieurs lètes à proximité de La Teste, depuis la pointe de Bernet jusqu’au Moulleau, ainsi qu’au Cap-Ferret. Mais alors que l’argent vient à manquer, son entreprise se trouve relayée par un administrateur zélé du corps des Ponts et Chaussées : Nicolas Brémontier.
De la nécessité de fixer les dunes : milieu XVIIe-XVIIIe siècle (représentation)
C’est que, depuis le milieu du XVIIe siècle, les suppliques, émanant des habitants des paroisses voisines du littoral, s’étaient accumulées sur les bureaux des intendants : « les sables que les ventz impetueux avancent dans les pays (menacent de recouvrir) clochés et villages entiers » ; « les habitants qui voyent chaque jour perir leurs biens soubz le sablon de la mer (sont obligés) de reculer leurs habitations a mesure que les ventz et les tempestes portent les sables sur leurs heritages ». Convaincu, à l’image de Nicolas Brémontier, « que le riche territoire des environs de Bordeaux ne [soit] un jour couvert de trois ou quatre cens pieds de sable », l’intendant Fargès demande en 1760 qu’on dresse partout des procès-verbaux pour constater les progrès des dunes et qu’on se renseigne sur « les moyens d’y pourvoir afin que le gouvernement pourroit y donner une solution sérieuse ». Brémontier ayant eu vent des essais de François de Ruat à La Teste lui propose alors, fort des crédits que le gouvernement est prêt à lui accorder, de prendre le relais de ses efforts. Il engage Peyjehan jeune, l’homme de main du Captal de Buch, et sème une bande de terre qui rejoint au Moulleau les semis seigneuriaux.
Les expérimentations se poursuivront, malgré la tourmente révolutionnaire, jusqu’en 1793 grâce au zèle de Peyjehan qui ira jusqu’à avancer de sa poche le salaire des ouvriers.
La fixation systématique du cordon dunaire : début XIXe-début XXIe siècles (Planification et auto-organisation dans la durée)
La rédaction, présidée par Brémontier, d’un Mémoire sur les dunes, dressant un bilan très positif des essais de plantation de pins est envoyé au gouvernement à Paris en 1796. En 1801, Brémontier est nommé président de la Commission des dunes, tandis qu’un arrêté signé des consuls de la République initie la fixation systématique des dunes du littoral des départements de la Gironde et des Landes : « Il sera pris des mesures pour continuer de fixer et planter en bois les dunes des côtes de Gascogne, en commençant par celles de La Teste de Buch, d’après les plans présentés par le citoyen Brémontier, ingénieur, et le préfet du département de la Gironde ». La même année, des ateliers de fixation sont établis au Verdon, afin de protéger la navigation sur la Gironde, puis rapidement au Cap-Ferret, sur la côte d’Arcachon, à La Teste et à Mimizan. En 1816, 4500 hectares sont déjà fixés non sans contestations des nobles propriétaires qui espéraient faire valoir leurs droits, en vain. En 1817, l’administration des Ponts et Chaussées prend en charge les travaux afin de les mener à plus grande échelle et enfin, en 1862, c’est au tour des Eaux et Forêts. Cette politique sera suivie jusqu’en 1867 et verra la plantation de 90000 hectares de pins le long du cordon littoral du golfe de Gascogne.
La mode des bains de mer : 1750-1840 environ (représentation)
Alors qu’en Gironde le littoral est encore perçu comme une frange mouvante et dangereuse, une autre représentation de la mer s’élabore, d’abord en Angleterre puis progressivement dans toute l’Europe, portée par le courant hygiéniste qui se développe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. À Lewes, le Docteur Richard Russell prescrit à ses patients l’utilisation médicale des bains d’algues et d’eau glacée dont il vante les vertus purgatives, vivifiantes et cicatrisantes. En 1730, il fait construire à Brighton, petit village de pêcheurs du Sud de l’Angleterre, un établissement de bains qui attire rapidement la bonne société londonienne (elle recevra en 1783 le patronage du futur roi Georges IV) attirée par cette nouvelle mode des bains thermaux aux vertus médicinales. Ce courant hygiéniste, lié à la médicalisation de la mer, se développe en France dans la première moitié du XIXe siècle, porté par les classes aristocrates et bourgeoises, les seules à pouvoir profiter de ces innovations thérapeutiques (Eugénie, fille de la comtesse de Montijo et future impératrice, se baigne à Biarritz dès 1838). On pratique alors le bain froid « à la lame », qui consiste à s’exposer aux percussions des vagues, en « bathing machine », sorte de roulotte cabine, qui, associé au bain chaud en kiosque, est réputé d’une utilité médicalement hygiénique et dépurative. Cette mode va progressivement être relayée, dans la seconde moitié du XIXe siècle, par les aspirations nouvelles suscitées par la Révolution industrielle. La plage (comme la montagne) s’intègre alors à la riche fantasmagorie des lisières et s’oppose à la pathologie urbaine générée par les usines et ses pollutions. Paradoxalement, c’est l’avènement du chemin de fer porté par la révolution industrielle qui, en reliant les grands centres urbains aux côtes, va permettre une fréquentation accrue des villes littorales par la haute société (Le Touquet dans le Pas-de-Calais, Deauville dans le Calvados, Granville dans la Manche) et faire émerger le concept de station balnéaire. Les familles royales et l’aristocratie jouent un grand rôle dans le développement de certaines de ces stations, comme à Monte-Carlo ou, en Gironde, à Arcachon.
Apparition des premières villes balnéaires : seconde moitié du XIXe siècle (émergence)
Isaac et Emile Pereire, riches financiers et promoteurs immobiliers bordelais, ayant racheté la compagnie du Midi, décident de prolonger la ligne de chemin de fer reliant Bordeaux à La Teste jusqu’à Arcachon en 1857.
Le hameau d’Arcachon, qui fait partie de la commune de La Teste, ne compte alors que 283 maisons et 400 habitants sédentaires. Proches de l’Empereur Napoléon III, ils obtiennent de ce dernier un décret impérial, en date du 2 mai 1857, qui érige Arcachon en commune. Lamarque de Plaisance, son premier maire, lui donne sa devise : « Hier solitude, aujourd’hui bourg, demain cité ». Ayant acquis les hauteurs d’Arcachon, les frères Pereire décident de monter une vaste opération immobilière à l’image de celle du Parc Monceau qu’ils viennent de réaliser à Paris. Ayant compris les bienfaits de l’air marin sur les malades tuberculeux, ils décident de créer un gigantesque sanatorium ouvert, où les malades pourront séjourner avec leur famille et leurs domestiques dans des maisons louées ou achetées meublées. Ce sera la ville d’hiver, édifiée d’un seul jet, dans les années 1860, selon un plan d’urbanisme soigneusement préétabli : rues et allées dessinées en courbe, de façon qu’il n’y ait pas de courants d’air, parc à l’anglaise, architecture d’inspiration hybride tenant autant du chalet suisse que de la villa algérienne. Très vite, la ville devient un lieu de villégiature à l’année où le luxe et la richesse l’emportent sur la cure. Les hôtels s’ajoutent aux villas et les riches visiteurs viendront bientôt se divertir au Casino Mauresque. En 1900, Arcachon atteindra 4000 habitants et recevra surtout 200 000 visiteurs par an.
Un processus similaire est à l’origine du développement de la station balnéaire de Soulac-sur-Mer, en Médoc, où Antoine Trouche aménage, à partir de 1849, un lotissement en bord de mer qui constituera le noyau à partir duquel se développera la ville à partir de 1874, date de l’arrivée du chemin de fer.
Multiplication des stations sur tout le littoral girondin : 1900-1960/70 (organisation)
L’instauration des congés payés et la démocratisation progressive des loisirs conduit à une fréquentation sociale plus large des littoraux qui aboutit à une multiplication des stations balnéaires sur le littoral girondin entre le début du XXe siècle et les années 1960/70. Ce processus est favorisé par le désengagement de l’Etat qui, après avoir acquis, au XIXe siècle, le cordon littoral sur lequel ont été réalisés les semis de pins, s’en dessaisit dans le courant du XXe siècle au profit des communes qui acquiert alors les terrains en bord de mer. Celles-ci en profitent pour créer des « fenêtres océanes » ayant pignon sur mer, fonctionnant en binôme avec les anciens villages situés en arrière du cordon dunaire : Vendays/Montalivet ; Hourtin/Hourtin plage ; Lacanau/Lacanau Océan ; Carcans/Carcans plage.
L’action de la Mission Interministérielle d’Aménagement de la Côte Aquitaine (planification)
Pour encadrer le développement de ces stations et éviter un mitage complet du littoral, l’Etat décide de créer par décret, en 1967, la MIACA (Mission Interministérielle d’Aménagement de la Côte Aquitaine) afin d’assurer « la coordination de l’aménagement de la côte aquitaine, de définir le programme général d’aménagement, d’en déterminer les moyens d’exécution et d’en suivre la réalisation ». Le schéma d’aménagement de la côte girondine est approuvé en 1972. Il fonde quelques grands principes d’action (alternance entre Unités Principales d’Aménagement et Secteurs d’Equilibre Naturel, protection des espaces naturels, création d’un triptyque océan/lacs/forêts) et un programme d’équipements qui sera poursuivi pendant plus de vingt ans (plan de génie sanitaire, réseau de desserte à partir de la route des lacs, maîtrise foncière, programmes d’équipements et d’hébergements touristiques). La MIACA disparaît progressivement après les lois de décentralisation de 1982, pour devenir une mission d’aménagement chargée de la mise en cohérence des actions menées par l’Etat et la Région suite à la loi Littoral de janvier 1986.
Nouvelles représentations : début XXIe siècle
L’adoption d’une perspective de longue durée du rapport des sociétés au milieu littoral permet de mettre en évidence l’apparition d’une nouvelle représentation, moins positive que celle qui s’est développée tout au long des XIXe et XXe siècles, liée au changement climatique et à l’attaque du littoral.
Depuis quelques décennies déjà , on observe, en effet, une dilatation des masses d’eau marine ainsi qu’une fonte accélérée des grands glaciers et des calottes glaciaires à l’origine d’une élévation du niveau des océans. La Gironde, comme tous les départements littoraux, est concernée par ce phénomène qui provoque une érosion dunaire et un retrait de côte plus ou moins accéléré suivant les lieux (il est de l’ordre de 7 mètres par an sur la plage de l’Amélie, à Soulac) ainsi qu’un risque de submersion marine dans certains secteurs.
La tempête Xynthia, à la fin du mois de février 2010, a permis d’identifier les sites exposés, soit l’aval de l’estuaire de la Gironde, les côtes basses sableuses ou marécageuses (dunes érodées du littoral, mattes et marais de l’estuaire) et le Bassin d’Arcachon, les zones les plus exposées étant évidemment celles les plus fortement urbanisées. Pour éclairer les choix politiques qui devront nécessairement être faits, l’Etat, la Région Aquitaine et les Départements de la Gironde, des Landes et des Pyrénées-Atlantiques se sont dotés de plusieurs outils d’évaluation, tels l’Observatoire de la Côte Aquitaine ou le GIP-Littoral. Les options sont connues (protections dures par enrochements, digues et épis ; protections douces par restauration des milieux humides ; retrait en arrière du front de mer) ; reste le plus difficile, décider et agir…
Les rives de l’estuaire de la Gironde et des extrémités inférieures de la Dordogne et de la Garonne sont bordées de terres basses, en majeure partie situées en dessous du niveau des plus hautes marées. Longtemps marécageuses, ces terres ont été progressivement colonisées par l’homme, puis annexées au continent par de gigantesques travaux de drainage, réalisés aux XVIIe et XVIIIe siècles, visant à en affecter les sols à un usage agricole. Pour autant, l’océan y maintient sa contrainte en rythmant les cadences de l’écoulement des eaux ou en submergeant épisodiquement les digues, comme cela a été le cas lors de la marée tempête de décembre 1999. L’élévation du niveau de l’océan, consécutive au changement climatique, apparaît ainsi comme une menace nouvelle susceptible de remettre en cause l’existence des marais. L’adoption ici d’un point de vue de longue durée conduit à penser en termes de cycles et à relativiser les menaces actuelles qui ne sont jamais qu’un des nombreux épisodes d’une relation complexe et mouvante entre les sociétés et ces lieux et milieux.
L’estuaire de la Gironde connaît, avec la remontée progressive du niveau de l’océan qui suit la fin de la dernière glaciation, il y a environ 14000 ans, différents stades de remplissage et donc différents régimes hydrologiques, depuis le petit cours d’eau encaissé au régime torrentiel jusqu’au grand bras de mer rectiligne que nous connaissons aujourd’hui.
Chaque variation transgressive du niveau marin et le comblement sédimentaire qu’il entraîne provoque des transformations irréversibles dont l’une des manifestations est la formation, en arrière du bourrelet alluvial formé par les crues débordantes du fleuve, d’immenses dépressions marécageuses. L’histoire des populations de l’estuaire de la Gironde est, depuis l’époque préhistorique, indissociablement liée à ces transgressions marines et à la submersion des terres basses avec lesquelles elles ont dû composer.
C’est actuellement pour le marais du Blayais, entre Blaye et Mortagne-sur-Gironde, sur la rive droite de la Gironde, que cette relation des hommes aux lieux et milieux peut être appréhendée avec le moins d’imprécision, en raison de travaux de recherche récents croisant données archéologiques, historiques et géologiques. La formation de ce marais est liée à l’apparition, approximativement vers 5000 ans avant J.-C., au point de cisaillement des courants contraires qui parcourent l’estuaire, d’un chapelet d’îles, de bancs de sable et de vase, qui vont progressivement se rejoindre pour former une ligne continue, isolant puis condamnant bientôt le chenal primitif de la rive droite, qui se transforme alors progressivement en une immense dépression marécageuse. Véritable mer intérieure, parcourue par les eaux des rivières de l’arrière-pays qui s’épanchent dans l’estuaire, mais également baignée par les hautes marées qui pénètrent par les étiers, ces points bas du bourrelet alluvial qui correspondent aux zones de contacts des anciennes îles, cette grande dépression offre alors des conditions de vie particulièrement attrayantes pour l’homme, en raison de la richesse de sa faune et de sa flore. Dès la fin du Néolithique (vers 3500 avant J.-C.), les bordures du marais sont ainsi déjà densément occupées, tandis que certains secteurs, suffisamment exondés, permettent une première conquête de l’intérieur de la cuvette.
Celle-ci sera comblée avant la fin du Néolithique, se transformant en tourbière sur toute sa superficie (entre 3500 ans et 2000 ans avant J.-C.). Ce contexte d’occupation évolue radicalement à partir de la fin de l’âge du Bronze (vers 1000 avant J.-C.) et jusqu’à la fin du premier âge du Fer (vers 500 avant J.-C.). Une nouvelle transgression se produit, submergeant à nouveau le marais qui, sous plus de 2 mètres d’eau, se retrouve soumis aux influences marines de l’estuaire. L’occupation des bordures de l’étang est alors très dense, aucun site n’étant toutefois antérieur au début du deuxième âge du Fer (VIe-Ve siècles), ce qui coïncide assez bien avec la datation de la remontée du niveau marin. La plupart des vestiges découverts se rattachent alors à l’exploitation du sel (une trentaine de sites) et se situent à une altitude toujours comprise entre 2,5 et 3 mètres NGF.
Cette observation permet de supposer que le trait de côte, lors des épisodes de Hautes Mers de Vives Eaux, se situait alors légèrement au-dessus de 2,5 mètres, ce qui correspondrait, compte tenu de l’évolution postérieure de la lagune, à l’altitude maximale que l’océan ait atteint depuis la dernière glaciation. Avec l’Antiquité, la nature de l’occupation évolue. Des habitats, souvent modestes, se rencontrent sur le rivage, à l’abri des inondations, mais aussi en plain marais (à une altitude moyenne de 2 mètres), ce qui prouve que les conditions ont déjà changé depuis la fin du deuxième âge du Fer et que la cuvette est en voie de comblement sédimentaire. La ligne de rivage envisageable pour cette époque a nettement reculé et la surface de la « mer intérieure », considérablement diminué.
L’exploitation du sel se poursuit, mais c’est surtout le développement de l’activité portuaire qui constitue le fait le plus remarquable. Un « chemin », constitué de l’empilement de débris divers (pierres, tuiles à rebords et surtout tessons de céramiques provenant des ateliers de potiers gallo-romains du sud de la Saintonge), traverse le marais dans le sens nord-est/sud-ouest, reliant la terre ferme au rivage de l’époque, à 1200 mètres environ de là.
La grande homogénéité de ces céramiques permet de dater cette structure (quai, môle d’accostage, jetée ?) entre le début de la deuxième moitié du Ier siècle et la fin du premier tiers du IIe siècle après J.-C. Son but est alors de permettre d’embarquer sur des bateaux et d’exporter vers les marchés locaux (au premier rang desquels Burdigala/Bordeaux) toutes sortes de marchandises, ce qui prouve le rôle d’interface joué par ces marges côtières entre l’arrière pays saintongeais et l’estuaire. La seconde moitié du IIe siècle après J.-C. marque une rupture dans l’occupation du sol, si l’on en juge par la raréfaction des vestiges sur les rivages et leur complète disparition dans le marais. L’hypothèse d’une nouvelle transgression est dès lors posée. Des incrustations de coquillages sur du mobilier archéologique, ainsi que des dépôts de sédiments estuariens sur des sites exondés à l’époque précédente ont été observés et laissent, en effet, penser à une nouvelle invasion de l’eau.
Mais que dire de ces nombreux sites déjà abandonnés bien avant que l’eau ne les submerge ? D’autres facteurs d’explication sont peut-être à rechercher, mais aucune hypothèse n’emporte actuellement l’adhésion. Commence alors une longue période d’éclipse documentaire (entre le IIIe siècle et le XIe siècle) pour laquelle seuls quelques très rares sites archéologiques sont attestés sur le rivage et aucun dans le marais. Le pays a-t-il été abandonné ? À moins qu’il ne faille envisager une incapacité de la recherche actuelle à saisir les formes prises par l’occupation humaine au cours de ces siècles du Haut Moyen Age ? Sans qu’on soit davantage capable de saisir les traces matérielles de l’occupation du sol au XIe siècle, quelques textes, extraits du cartulaire de l’abbaye de Baignes, révèlent que les anciens rivages sont alors bien occupés et que le marais est déjà partiellement conquis. À Vitrezais, en bordure de l’estuaire, des maisons, des terres labourées et même des vignes sont mentionnées en 1090 dans plusieurs textes. De nombreuses abbayes sont possessionnées dans le marais ou sur ses marges (Saint-Romain de Blaye, Sainte-Marie de Pleine-Selve, Saint-Etienne de Baignes, Saint-Jean d’Angély, Saint-Martin de Savigny près de Lyon, Cluny), dont les actes des XIIe et XIIIe siècles permettent de se représenter le marais sous la forme d’un réseau d’étiers plus ou moins larges, alimentés par le flux des marais.
Des bateaux de bonne taille entrent encore dans l’ancien marais pour charger, aux ports de Braud et d’Anglade, des marchandises de l’arrière-pays du Blayais et de la Saintonge (bois, tonneaux, céramiques, verreries), qui seront redistribuées par l’estuaire. Au XVIe siècle, une importante population vit du marais, tirant ses revenus de la pêche, de la chasse et de l’exploitation de la Salicorne, plante nécessaire à l’obtention de la soude, utilisée dans la fabrication du verre. Des conflits d’usage apparaissent, exacerbés par l’initiative du seigneur de Pardaillan qui, en 1566, fait creuser des fossés artificiels « destournant les eaux de leur ancien cours, tellement que les boys (bois) de ladite contau (territoire du marais) reviennent a grandz coutstz (coût), n’ayans les habitans, au moyen faire porter leurs boys par eaue, comme faisoyent auparavant (les habitants n’ayant les moyens de faire porter leur bois, comme ils le faisaient auparavant) ». L’idée d’assécher les marais pour les convertir en labours est dans l’air. Les techniques mises au point aux Pays-Bas sont connues. L’édit d’Henri IV, du 8 avril 1599, ordonnant le dessèchement des marais et paluds, va permettre de systématiser, sur toutes les terres basses de l’estuaire de la Gironde, de la Garonne et de la Dordogne, ce processus émergent :
« Tous les marais et paluds tant dépendant du Domaine royal que ceux appartenant aux ecclésiastiques, gens nobles et du tiers-Etat, sans exception de personne, assis et situés le long des cours de rivière, ou ailleurs, seront desséchés et essuyés […] et […] rendus propres en prairies, labours et herbages […] ».
Un schéma de représentations, issu du cercle du pouvoir, se diffuse dans le même temps, jetant l’opprobre sur ces milieux et leurs habitants, permettant ainsi de justifier les projets d’assèchement. Au milieu du XVIIe siècle, le Duc de Saint-Simon, qui envisage de dessécher le marais du Blayais, les décrit ainsi dans ces termes : « pastis, herbages, pacages, bois, vergne, lande, friches et autres nature de terre, inutiles, vacantes, noyées, inondées et inaccessibles la plus grande partie de l’année ». Plus lyrique, l’archevêque de Bordeaux les voit comme un « repaire de brigands, une caverne de serpents, de loups et de renards, un réceptacle de bêtes sauvages, une souche d’épines, de ronces et d’aiguilles ».L’édit d’Henry IV incitant au dessèchement des marais, il reste aux seigneurs tentés par l’entreprise à arracher aux habitants leurs vieux droits d’usage sur ces lieux, qui s’opposent à leur lotissement et à leur mise en culture. Dans le cas du marais du Blayais, le Duc de Saint-Simon engage un homme de main, Pierre Lanquet, qui fait arpenter comtau et palus à l’automne 1646 et convoque les ayants droits dans l’ordre traditionnel « abbés, gens nobles, clercs, bourgeois et tous autres habitants de la châtellenie de Blaye ». Aux religieux, gentilshommes et officiers de la place de Blaye, il propose de renoncer à leurs droits coutumiers contre des terres à prendre dans la future zone desséchée. Aux autres habitants, il offre de conserver l’usage des 7000 journaux de landes s’étendant d’Étauliers à Saugon, d’être exemptés de toute redevance liée à la comtau et d’être prioritaire sur les étrangers pour l’acquisition des terres dans le marais desséché. D’autres arguments sont avancés auprès du roi et de son conseil : « palu et Comtau étant desséchés pourraient être mis en bonne nature de terre labourable, bois et pâturage qui apporteraient un grand profit à toute la province ». Il promet également d’y faire bâtir « des villages, métairies et hameaux qui embelliront la dite province » et surtout de verser au roi une redevance double de celle que les habitants versaient jusqu’alors au roi… C’est ainsi que le 27 mars 1647, Lanquet (c’est-à-dire Saint-Simon), par contrat passé avec les commissaires du roi, devient « propriétaire et seigneur incommutable » des 20000 journaux du marais du Blayais, à charge pour lui de les faire dessécher. Pour mener à bien cette opération, Saint-Simon fait appel, en 1650, à des entrepreneurs saintongeais à qui il promet 4600 journaux de terre à prendre dans le nord du marais. Pour contenir les eaux de l’estuaire et isoler la zone à dessécher des eaux de ruissellement venues de l’arrière-pays, on dresse une digue côtière de vingt kilomètres de long et on créé une « ceinture », c’est-à-dire un canal doublé d’une levée de terre, sur une longueur équivalente.
On draine, également, l’intérieur du marais au moyen d’un système géométrique de fossés (dits de travers et de coulée) et de canaux dont les principaux débouchent dans l’estuaire.
L’évacuation de l’eau est commandée par des écluses qui se ferment à marée haute, empêchant les eaux saumâtres et boueuses de la Gironde d’envahir le réseau de drainage, et s’ouvrent à marée basse, laissant s’évacuer l’eau drainée dans le fleuve (le fonctionnement d’un tel système et l’entretien des digues, écluses et canaux conduiront à la création d’un syndic dès les années 1654-58).
À l’intérieur du marais, l’habitat est extrêmement dispersé, échelonné le long des voies, et les lots (appelé « pans ») des métayers tous de même dimension, soit 800 ou 1600 mètres de long sur 100 ou 200 mètres de large.
Les terres conquises sont vouées à l’élevage et à la culture (seigle et maïs, appelé « bled d’Espagne », et sur les meilleurs terres, du froment). Depuis les années 1970, l’agriculture traditionnelle du marais tend à disparaître. Les crises successives des filières de production de lait et de viande de boucherie ont conduit à l’abandon progressif de l’élevage. Les parcelles abandonnées retournent à l’état sauvage, pour les unes, ou sont converties en labour voués majoritairement à la culture du maïs, pour les autres. Ces nouvelles pratiques génèrent de profondes modifications du milieu : l’absence d’entretien du réseau de drainage conduit à son envasement et compromet les cultures voisines, tandis que l’irrigation des cultures intensives accentue la hausse du taux de salinité par des prélèvements excessifs dans les nappes phréatiques. L’eau risque ainsi de devenir impropre à l’agriculture. Mais ce sont l’érosion et la destruction des rivages de l’estuaire provoquée par l’élévation du niveau des eaux, en lien avec le changement climatique, qui constituent la menace la plus sérieuse pour l’avenir du marais. Partout, le bourrelet alluvial est attaqué et recule, ce qui, compte tenu de son rôle de digue naturelle, fait craindre un ennoiement complet du marais et le retour de ces terres à l’estuaire.
Après des millénaires d’occupation et un effort de conquête récent que l’on croyait définitif, un nouveau cycle semble s’être amorcé qui conduit à penser que l’histoire de la maîtrise de ces milieux n’est pas terminée…
Cet article est fondé sur les travaux de recherche de Didier COQUILLAS, docteur en histoire de l’Université de Bordeaux 3, parmi lesquels on peut citer :
- Didier Coquillas, Les rivages de l’Estuaire de la Gironde du Néolithique au Moyen Âge, thèse de doctorat, Bordeaux III, 2001, 3 tomes, 4 volumes, 1990 pages.
- Didier Coquillas, Essai de reconstitution des rivages estuariens ou l’Histoire de l’évolution des marais de la rive droite de la Gironde, Bordeaux, 2010, 66 pages.
Pour toute question ayant rapport à l’histoire des marais de l’estuaire de la Gironde, le lecteur intéressé peut prendre contact avec l’auteur à l’adresse suivante : coquillas_did@hotmail.com
Les dynamiques d’évolution récentes-Les enjeux et recommandations
Cette partie met en évidence les dynamiques d’évolution récentes (60 dernières années) par images successives (cartographies, photographies aériennes, reconduction de photographies anciennes, interprétation de données). Les dynamiques d’évolution perceptibles (les stigmates) sont identifiées par le travail de terrain, et les dynamiques d’évolution probables (grands projets et dynamiques à venir) par les rencontres avec les acteurs du territoire lors d’ateliers thématiques.
Les dynamiques d’évolution récente
1.1 - Un étalement non maîtrisé de l’urbanisation (extensions linéaires, modèles pavillonnaires consommateurs d’espace) : absence de traitement des transitions espace bâti / espace agricole, dégradation des entrées de ville, dépendance à la voiture, coût élevé des réseaux et des services
La consommation excessive d’espace, liée en grande partie aux modes actuels de construction basés sur des modèles peu économes (lotissements pavillonnaires, extensions linéaires, constructions isolées,...), représente un enjeu prioritaire à l’échelle du département : depuis 1999, chaque année, 15 000 nouveaux habitants viennent augmenter la population girondine. Entre 1999 et 2007, l’urbanisation a conquis 7500 ha en Gironde, ce qui correspond à une moyenne de 0,9 % d’augmentation des surfaces urbanisées par an. En 20 ans, les surfaces urbanisées du département ont doublé, pour atteindre aujourd’hui un total de 42 000 ha. La qualité des paysages, mais aussi la préservation des terres de production agricole, sont aujourd’hui menacés par le développement de ces formes d’urbanisation peu durables.
Lacanau en 1950, 1982 et 2004 - Bien que l’urbanisation de Lacanau soit encadrée par les principes de la MIACA - qui préserve, entre les sites bâtis littoraux, des Secteurs d’Equilibre Naturel -, les extensions vers l’est de la station balnéaire ont presque atteint les berges de l’étang en retrait, s’implantant dans les dunes en réduisant fortement la coupure d’urbanisation entre Lacanau-Océan et les quartiers lacustres.
Saint-Sulpice-et-Cameyrac en 1950, 1984 et 2004 - Autour d’une situation déjà diffuse en 1950 - les quelques bourgs présentent alors une structure plutôt distendue, et de nombreux hameaux et fermes isolées sont dispersés entre ces villages - l’urbanisation a rapidement occupé une surface très importante : extensions linéaires autour des voiries existantes et des chemins ruraux, ou lotissements pavillonnaires implantés à l’écart des centres, ont déjà envahi les terrains agricoles dès 1984 ; par la suite, les coupures d’urbanisation et les parcelles restées libres sont bâties à leur tour, dessinant des continuités bâties étendues mais peu denses, consommatrices d’espace sans être créatrices d’une réelle urbanité.
Saint-Ciers-sur-Gironde en 1950, 1984 et 2004 - Les implantations d’origines, dispersées en 1950 au long des routes principales rayonnant depuis le bourg, ont été complétées par deux types de construction : de petits quartiers constitués sur des dessertes secondaires ou des culs-de-sac créés de toutes pièces à proximité des voies de circulation ; des pavillons isolés alignés les uns après les autres au fil des routes. Ces formes d’urbanisation n’offrent pas, aujourd’hui, la structure d’un bourg bien constitué : éloignement du centre, obligation d’utiliser la voiture, absence d’espaces publics de qualité dans les extensions...
1.2 - Une pression forte de l’agglomération bordelaise en cœur de département (consommation de l’espace de respiration entre Bordeaux et Arcachon, urbanisation diffuse de l’Entre-Deux-Mers, urbanisation linéaire des vallées Garonne et Dordogne), qui se reporte aujourd’hui sur des pôles secondaires
L’agglomération bordelaise a longtemps concentré la très grande majorité de la croissance urbaine autour des axes routiers majeurs qui l’entourent (la rocade, la RD1250 l’A10...) : les trois quarts de la surface urbanisée du département sont, aujourd’hui encore, inclus dans le périmètre du SCoT de l’aire métropolitaine bordelaise. Le système urbain du Bassin d’Arcachon, également marqué par une urbanisation et un développement économique importants, constituait le seul pôle urbanisé complémentaire majeur sur le département.
Depuis 1999, les tendances ont évolué, et les pressions liées à la croissance urbaine se sont réparties sur l’ensemble du territoire. Le développement résidentiel se multiplie dans tout le département, tandis que la construction au sein de l’agglomération connait une baisse notable. D’autres systèmes urbains s’affirment autour du Barp, de la vallée de Garonne, dans le Cubzadais...
1.3 - Une constitution de zones d’activités monofonctionnelles hors des villes : consommation de surface, fragilisation des centres, qualité architecturale et urbanistique médiocre
Le développement de l’offre commerciale se fait de plus en plus sous la forme de pôles monofonctionnels, situés en périphérie des bourgs et accueillant principalement des grandes enseignes. Depuis 2002, chaque année, se sont entre 73 000 et 112 000 m² de surfaces commerciales qui sont mis en construction sur le département. Ces zones commerciales - qui se développent autant dans le périmètre de la CUB que dans le reste du département - tendent à vider les centres-villes, dont les commerces ferment ou se déplacent à leur tour en périphérie. De plus, leur aménagement reste le plus souvent tourné exclusivement vers l’utilisation de la voiture et n’offre pas d’image de qualité, successions répétitives de parkings et de volumes bâtis sommaires.
1.4 - Une fragilisation des coupures d’urbanisation
Avec la multiplication des constructions pavillonnaires en bord de route et des zones commerciales ou d’activités, le phénomène d’urbanisation linéaire s’aggrave autour de nombreuses entrées de ville. Dans certains cas, les fuseaux bâtis ainsi constitués se rapprochent d’un bourg à l’autre, jusqu’à réduire de façon importante les coupures d’urbanisation qui les séparent. La fragilisation de ces espaces de respiration laisse alors la place à des continuités bâties qui empêchent toute lecture du paysage et de la structure ancienne de l’urbanisation.
Lanton en 1950 et en 2004 - L’exemple de Lanton est révélateur de l’importance et de la fragilité des coupures d’urbanisation : au bord du Bassin d’Arcachon, de nombreux lieux de contact entre le massif forestier et les eaux, bien marqués en 1950, ont aujourd’hui disparu sous l’urbanisation ; aujourd’hui, seuls les boisements entre Lanton et Audenge soulignent encore la séparation nette entre les deux communes.
1.5 - Une banalisation de l’architecture
Les modèles architecturaux adoptés de façon majoritaire pour les constructions nouvelles n’offrent pas une image de qualité, mais, au contraire, tendent à banaliser les paysages : en reproduisant des modèles bâtis décontextualisés et souvent mal inscrits dans les sites, l’archétype de la maison pavillonnaire colonise le paysage en en diminuant les qualités. La part importante des maisons individuelles dans le parc de logements girondin (65,5 %) fait de ce phénomène une problématique majeure, mais d’autres types de bâti participent de cette évolution, notamment au sein des zones d’activité ou de commerce.
1.6 - Un cloisonnement des paysages par les jardins privés et une banalisation par les essences ornementales
La végétalisation importante des jardins privés, notamment sous la forme de hautes haies en périphérie des propriétés, dessine des situations de cloisonnement important du paysage. Le pourtour des villages, autrefois souvent cultivé, laisse ainsi place à des jardins d’agrément où l’on cherche à créer une intimité grâce au végétal, en se refermant sur soi-même ; les constructions sur les coteaux amènent à privatiser des points de vue de qualité ; le recul sur les façades bâties offert par certains jardins est remplacé par une paroi végétale opaque fermant la perspective de la rue... De plus, les essences employées - parmi lesquelles domine souvent le thuya - tendent à banaliser les palettes végétales et à uniformiser certains paysages.
La-Teste-de-Buch vers 1910 et aujourd'hui - Tandis que la transparence entre espace privé et public restait importante au début du XXe siècle, les haies ornementales opaques ont transformé radicalement le paysage urbain de La-Teste-de-Buch, aujourd'hui bien plus cloisonné.
Saint-Ciers-sur-Gironde vers 1910 et aujourd'hui - Cette haute haie de Thuyas, à droite, réduit de façon importante la perception du village depuis l'entrée est.
Asques vers 1910 et aujourd'hui - La vue sur l'église d'Asques, en arrivant par la RD137, est aujourd'hui obstruée par une haie végétale privative, ce qui dévalue cette entrée du bourg.
Bazas vers 1910 et aujourd'hui - Au nord de la ville de Bazas, l'urbanisation du coteau a entrainé la privatisation de cette vue sur la cathédrale.
1.7 - Une dévalorisation des espaces publics par l’envahissement de la voiture
La place grandissante prise par la voiture dans nos déplacements quotidiens a transformé radicalement les paysages urbains depuis le début du XXème siècle et ne permet plus, aujourd’hui, l’appropriation de l’espace de la rue pour d’autres usages. Les surfaces dévolues aux piétons sont très réduites, l’artificialisation des sols a effacé l’image rurale des villages, les stationnements ont remplacé les alignements d’arbres... Ce n’est que depuis quelques années que les efforts de requalification des centres-bourgs misent sur le piéton en lui donnant priorité, sans exclure la voiture, dans un équilibre délicat mais indispensable.
Arbanats vers 1910 et aujourd'hui - Les espaces publics arborés d'Arbanats ont été supplantés par des places de stationnement.
Bazas vers 1910 et aujourd'hui - La belle place à arcades de Bazas est restée intacte, mais l'omniprésence des voitures la dévalorise.
Bourg vers 1910 et aujourd'hui - L'importance de la voiture a entrainé une artificialisation complète des sols.
Sainte-Terre vers 1910 et aujourd'hui - Les beaux trottoirs ombragés par les platanes accueillent aujourd'hui surtout les voitures.
1.8 - Une transformation marquante de Bordeaux par la mise en valeur du patrimoine et de l’espace public
Au cours des dernières années, les transformations radicales de l’espace public de Bordeaux ont permis de requalifier la ville de façon spectaculaire. La mise en place du tram, la transformation des quais, le renouvellement des sites emblématiques, la rénovation des façades... ont dessiné un nouveau visage pour la capitale du département. Le piéton a retrouvé sa place en centre-ville et sur les bords de Garonne, tandis que les circulations automobiles ont été restreintes par la mise en place de structures plus contraignantes. Les projets se poursuivent plus largement autour du centre, de la gare, et surtout en rive droite avec la construction programmée de deux ponts supplémentaires.
1.9 - Une requalification des espaces publics dans les villages ruraux, parfois teintée de connotations trop urbaines
Tout comme pour les grandes villes du département, la qualité des villages dépend en grande partie de l’aménagement de leur espace public, et de nombreux bourgs ont déjà mis en œuvre des chantiers de valorisation de leurs centres. Si les projets offrent souvent une réelle mise en valeur des patrimoines et une requalification réussie, certaines opérations présentent aussi des transformations moins heureuses, au sein desquelles domine un vocabulaire trop urbain, qui s’inscrit mal dans le contexte rural des villages : bitume omniprésent, mobilier à caractère très urbain...
Le Barp vers 1910 et aujourd'hui - L'aménagement de l'espace public de certains villages tend à faire disparaître le vocabulaire 'rural' ; dans le cas présent : disparition du fossé enherbé, plantation d'essences ornementales, mise en place d'éclairages de style urbain.
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Orientation 1.1 - Limiter l’étalement urbain ; favoriser la densification et le recentrage du bâti
Les objectifs visés :
- Limiter la surconsommation d’espace agricole et naturel par l’urbanisation
- Conforter les centralités existantes et renforcer la vitalité des centres des villes et villages
- Requalifier les espaces urbanisés en linéaire ou en diffus et inventer la centralité dans les quartiers où elle fait défaut
- Améliorer la qualité de vie et consolider le lien social au niveau local
- Favoriser la mixité sociale en centres-bourgs
- Réduire la dépendance à la voiture et les émissions de GES (gaz à effet de serre), faciliter les déplacements de proximité à pied ou à vélo
- Réduire les coûts induits des extensions pour la collectivité
- Reconquérir l’attractivité des centres-bourgs
Les principes à adopter :
- Faire appel à des hommes de l’art (architectes, paysagistes, urbanistes...) pour tout projet d’extension urbaine ou de renouvellement de centre
- Améliorer les recommandations aux élus en matière d’urbanisme et de construction par le développement de réseaux de conseil (AMO)
- Conforter les centralités existantes et promouvoir un urbanisme des courtes distances, relocaliser les équipements de service et de commerce au cœur des bourgs
- Intensifier les centres bourgs, c’est-à-dire offrir des possibilités d’y vivre au quotidien, de travailler et de se divertir à proximité (l’inverse des quartiers dortoirs)
- Etre créateur de centralité lorsqu’elle fait défaut (Entre-deux-Mers en particulier)
- Favoriser une densité urbaine : logements collectifs et intermédiaires, mitoyenneté, …
- Stopper l’urbanisation linéaire au fil des routes
- Stopper l’urbanisation au gré des opportunités foncières ; encourager la constitution de portefeuille foncier public
- Etablir les extensions prioritairement en continuité des centralités, en privilégiant les liaisons douces de proximité
- Mailler les secteurs urbanisés par des systèmes de transports en commun à la fois urbains et interurbains
- Créer un parcellaire permettant une certaine densité dans les extensions : éviter le parcellaire carré tendant à isoler la maison au milieu de sa parcelle
- Assumer des volumes bâtis en continuité de ceux des centres-villes existants, y compris en proposant, selon les contextes, des R+1 ou R+2
- Relier l’urbanisation diffuse existante et les équipements avec les centres-bourgs par des circulations douces
- Privilégier le positionnement des équipements intercommunaux (collèges, lycées,...) dans les centres-bourgs, éviter les implantations « dans la nature », à égale distance des villages
- Développer l’exemplarité en matière d’opérations urbaines, notamment sous la forme d’expérimentations
Dans le cas de la construction de nouveaux quartiers :
- Positionner et concevoir les constructions dans l’objectif de conforter les centralités en place :
- proximité physique au centre
- liaisons au centre, aux commerces, et aux équipements publics via des circulations douces
- Développer une trame viaire continue (éviter les impasses) pour favoriser la continuité du tissu bâti et les échanges sociaux
- Redécouvrir la construction en limite de parcelle, souvent gage d’urbanité et d’harmonie avec l’urbanisme traditionnel en place
- Privilégier les maisons proches les unes des autres ou mitoyennes plutôt qu’isolées au milieu des parcelles
Orientation 1.2 - Poursuivre les démarches de valorisation de l’espace public, dans les villes comme dans les bourgs, au bénéfice du piéton et des transports en commun
Les objectifs visés :
- Conforter l’attractivité des centralités des villes comme des bourgs
- Améliorer l’image des espaces habités et la qualité des espaces publics urbains
- Faciliter les usages agréables des espaces partagés et conforter le lien social
- Accompagner qualitativement et « compenser » la densification et la structuration nécessaires des villes et des bourgs par les structures végétales
- Eviter la standardisation et la banalité des aménagements
Les principes à adopter :
- Faire appel à des hommes de l’art pour la définition des programmes et des cahiers des charges, ainsi que pour la conception et la mise en œuvre (paysagistes, architectes, éclairagistes, BET VRD, …)
- Développer le confort d’usage et l’attractivité visuelle des liaisons douces : agréables, confortables, efficaces, sûres
- Limiter les surfaces minérales imperméables
- Réserver les espaces et les moyens nécessaires à la plantation arborée des espaces publics et à leur gestion
- Promouvoir l’utilisation d’essences locales adaptées
- Encourager la mise en valeur des façades bâties accompagnant les places publiques et les rues principales
- Requalifier les places et les rues principales :
- limitation de la place de la voiture
- élargissement des surfaces réservées aux piétons
- réorganisation ou « délocalisation » des espaces de stationnement
- réfection des sols en privilégiant des matériaux naturels de qualité
- valorisation des halles ou marchés couverts
- réintroduction de l’arbre et de l’herbe (perméabilité des sols) dans les espaces publics où ils font défaut en privilégiant les espèces indigènes adaptées au contexte rural
- Réserver les budgets d’entretien nécessaires et promouvoir la gestion différenciée des espaces publics plantés
Orientation 1.3 - Repenser le développement de l’activité (commerciale, de services, culturelle...) sous des formes plus mixtes, plus urbaines
Les objectifs visés :
- Revitaliser les centres et améliorer leur attractivité en maintenant et développant les commerces
- Limiter la consommation des terres pour le développement des activités
- Stopper l’allongement de l’urbanisation d’activités en linéaire le long des routes
- Réduire l’utilisation de la voiture en assurant une offre commerciale de proximité
Les principes à adopter :
- Optimiser le foncier disponible au sein de l’urbanisation existante : friches, dents creuses, réhabilitation/requalification d’anciennes ZA
- Relocaliser certaines activités occupant des sites sensibles
- Faciliter l’implantation des commerces à proximité des centralités existantes (services administratifs, écoles...)
- Développer l’offre de transports en commun pour desservir les secteurs de commerce
- Compléter les dessertes vers les centres par des maillages de circulations douces
Orientation 1.4 - Reconnaître les sites et formes bâtis dans leurs richesses et leur diversité
Les objectifs visés :
- Valoriser les sites bâtis dans leurs relations avec le grand paysage
- Préserver, mettre en valeur et réhabiliter le patrimoine architectural et urbain existant
- Conforter l’image et l’attractivité touristique de la Gironde
Les principes à adopter :
- Préserver les alentours des sites bâtis patrimoniaux par les documents d’urbanisme
- Promouvoir les aides spécifiques à la réhabilitation du patrimoine construit
- Valoriser les espaces publics des sites bâtis par des réaménagements de qualité
- Assurer la visibilité des sites bâtis dans le paysage : gestion des coteaux enfrichés, recul des peupleraies...
- Valoriser les séquences d’entrée de ville, améliorer leur lisibilité pour renforcer l’image des sites bâtis
- Mettre en scène les sites bâtis depuis les alentours : points de vue aménagés, itinéraires de randonnée...
Orientation 1.5 - Créer des lisières urbaines, rencontres entre espaces bâtis et espaces agricoles, forestiers ou naturels
Les objectifs visés :
- Constituer des espaces de transitions entre les villes et les villages et les étendues cultivées, économiquement acceptables par les agriculteurs et offrant des usages aux habitants
- Améliorer la protection des espaces agricoles : constituer des limites tangibles pour maîtriser la consommation des terres par l’urbanisation, constituer des espaces tampons permettant de mieux gérer la fréquentation du public et de protéger les cultures, constituer des espaces tampons mettant à distance les logements des champs et des risques de nuisances (traitements phytosanitaires nécessaires, bruit des engins, …)
- Stabiliser la répartition urbanisation/espaces agricoles dans l’espace et dans le temps
- Matérialiser des limites appropriables pour les habitants
- Offrir des espaces libres attractifs en accompagnement de la densification
- Améliorer le paysage urbain des limites et entrées de villes et mettre en scène la transition entre espaces bâtis et cultivés
- Offrir des espaces pour des implantations intégrées d’équipements agricoles, hydrauliques ou urbains à l’interface des deux milieux
- Contribuer à préserver la biodiversité, en intégrant les lisières dans la trame verte et bleue du département
Les principes à adopter :
- Repérer et identifier les lisières urbaines de qualité dans les documents d’urbanisme et d’aménagement
- Constituer un espace spécifique en limite urbanisation/espace agricole, économe en foncier, notamment à l’occasion des opérations d’urbanisme, d’aménagement, d’infrastructures, d’équipements
- Tirer parti des structures paysagères existantes dans le cadre de la création des lisières urbaines
- Offrir des usages à cet espace : selon les cas voie de desserte plantée, circulation douce, jardins familiaux, aire de jeux, bassins de rétention paysagers, …
- Planter l’espace ainsi réservé de la lisière
- Maîtriser les clôtures et les implantations urbaines au contact de la lisière
- Constituer des lisières économes en gestion
- Limiter l’impact des nuisances occasionnées par les activités agricoles à proximité des habitations tout en permettant aux agriculteurs de travailler dans de meilleures conditions
- A l’occasion de nouvelles extensions urbaines, créer des chemins piétonniers publics parcourant les lisières et irriguant les nouveaux quartiers ; accompagner les chemins créés d’arbres et de haies (arbres fruitiers, haies composées d’espèces indigènes favorables à la richesse de l’avifaune …)
- Encourager les agriculteurs à différencier leurs modes d’exploitation sur le pourtour des villages
- Mettre en place des lisières urbaines évolutives, permettant de gérer dans le temps les extensions du bourg
Orientation 1.6 - Maîtriser l’effet de vitrine des activités vis-à-vis des routes
Les objectifs visés :
- Promouvoir l’attractivité économique du département, favoriser la qualité paysagère des activités
- Eviter le syndrome des entrées de villes dévalorisées par l’urbanisation linéaire d’activités
- Limiter et maîtriser l’affichage publicitaire, les enseignes et pré-enseignes
- Lutter contre la banalisation du cadre de vie
Les principes à adopter :
- Occuper et revaloriser en priorité les zones d’activités et de commerce existantes, et réinvestir les friches, avant d’envisager toute création
- Maîtriser dans l’espace et dans le temps l’évolution des zones d’activités
Zones existantes :
- Revaloriser les linéaires routiers dégradés (entrées de villes, …)
- Connecter les activités aux centres par des liaisons douces confortables et sûres, aménagées et plantées d’arbres et de haies
- Réguler la prolifération des pancartes, publicités et enseignes par la mise en place de chartes et de réglementations
Zones nouvelles :
- Stopper l’urbanisation linéaire le long des voies d’entrée de villes et de villages
- Mettre en scène les accès au territoire, aux villes et aux villages, longeant ou traversant la zone d’activités créée
- Maintenir un espace géré, planté et entretenu, entre la route et les bâtiments d’activité situés en vitrine, formant un recul de lisibilité et d’inscription dans le territoire, intégré dans le cahier des charges de conception de la zone
- Organiser des façades bâties ou pignons globalement parallèles à la route, tournés vers elle
- Porter un effort particulier de qualité architecturale des façades bâties et des pignons, en particulier côté route principale (vitrine « image de marque ») : choix de matériaux et de couleurs adaptés (sombres), intégration des enseignes dans les volumes (sans excroissance), accompagnement végétal des volumes bâtis, pas d’espaces utilitaires côtés route (parking, aire de stockage)...
- Assurer un traitement qualitatif des clôtures : utilisation de matériaux nobles et finitions soignées, accompagnement végétal, grillage de couleur sombre, limitation des hauteurs (2 mètres maximum)
- Faciliter la reconversion ou la requalification des zones d’activités existantes par une intégration dans le paysage
- Promouvoir la qualité et la cohérence du traitement architectural, par exemple sous la forme d’une charte commune, en édictant les principes d’aménagement et de construction des zones et bâtiments d’activités
- Favoriser les liaisons entre les villages et les zones d’activités : circulations douces et routes directes
- Soigner la qualité des espaces publics :
- constitution d’une trame viaire plantée
- aménagements pour le confort du piéton (trottoirs, traversées sécurisées...)
- traitement des eaux pluviales par des aménagements paysagers de qualité : noues plantées, fossés, bassins de traitement des eaux, limitation des surfaces imperméabilisées
Le recul par rapport à la route, les arbres préservés et les choix architecturaux (façade bois, enseigne inscrite dans la silhouette...) contribue à atténuer l’impact visuel de cette grande surface commerciale depuis la route - Bassin d’Arcachon
Orientation 1.7 - Développer la qualité architecturale et paysagère des zones d’activités et de commerce
Les objectifs visés :
- Renforcer l’attractivité du territoire et valoriser l’économie locale
- Favoriser la qualité paysagère, urbaine et architecturale des activités
- Préserver la qualité du cadre de vie et éviter la banalisation du territoire
Les principes à adopter :
- Adapter finement les implantations au terrain naturel et aux occupations anciennes (préservation de haies, de fossés, d’alignements...)
- Maîtriser la qualité architecturale et paysagère dans une unité d’ensemble ; par exemple :
- Façades sombres, couleurs denses, sauf exceptions (matériaux spécifiques)
- Bardages de préférence horizontaux et non verticaux
- Intégration des enseignes dans les volumes bâtis, sans excroissance
- Accompagnement végétal des volumes bâtis ; pas d’espaces utilitaires visibles côté route principale sans traitement paysager (aires de stockages de matériaux, parkings…)
- Limitation des clôtures, au bénéfice d’espaces ouverts et perméables
- Traitement qualitatif des clôtures : limitation de l’usage des clôtures industrielles, utilisation de matériaux nobles et finitions soignées (murs maçonnés), accompagnement végétal (haies composées), clôtures grillagées sombres, limitation en hauteur (2,00 m maximum) - selon les contextes
- Créer des trames viaires et pluviales plantées avec un plan d’ensemble d’aménagement paysager des eaux pluviales, intégrant noues, fossés, bassins, plantations, circulations douces
- Limiter au maximum les surfaces imperméabilisées
- Accompagnement par des plantations, des cheminements, des pistes et bandes cyclables pour la desserte interne de la zone et pour les liaisons avec les bourgs voisins
- Améliorer l’aménagement des parkings de grandes surfaces : mettre en place des circulations piétonnes confortables, offrir de l’ombrage par des plantations...
- Edicter, pour les zones d’activités existantes et futures, des principes communs d’aménagement, sous forme de charte communautaire par exemple, notamment en matière d’énergies renouvelables et de gestion des dépendances vertes (plantations de haies, mobilier urbain homogène, gestion des entrées, systèmes de clôtures…)
- Maîtriser la qualité et la cohérence du traitement architectural : disposition, volumétrie, couleur et matériaux des bâtiments, etc.
- Assurer le raccordement aux liaisons viaires existantes et l’accessibilité aux modes de transports collectifs (arrêt de bus si nécessaire)
- Offrir des services aux personnes qui travaillent dans la zone :
- Liaisons de qualité avec les bourgs voisins, y compris par circulations douces
- Services rassemblés autour d’un espace public commun agréable et facile d’appropriation
- Faire appel à des hommes de l’art pour élaborer et suivre les projets d’aménagement
- Maîtriser dans l’espace et dans le temps l’évolution des zones d’activités :
- Maîtrise foncière totale d’une tranche avant toute implantation d’entreprise
- Constitution d’une enveloppe végétale extérieure forte pour chaque tranche, compatible avec la réalisation des tranches ultérieures ; l’objectif n’est pas de masquer des bâtiments qui ne peuvent pas l’être, mais de former une limite pérenne entre la zone d’activités et l’espace agricole, de nature ou urbain
- Prévoir des dispositifs favorables au développement durable :
- Recherche d’utilisation locale des déblais/remblais
- Utilisation des volumes excédentaires pour conforter la trame paysagère, constituer des talus de protection phonique ou climatique
- Recherche de production et utilisation des énergies renouvelables
Orientation 1.8 - Encourager une architecture de qualité, inscrite dans son site et dans son contexte, et promouvoir l’architecture contemporaine
Les objectifs visés :
- Développer la qualité architecturale dans les opérations d’habitat
- Adoucir la présence du bâti dans le paysage vu et vécu
- Lutter contre la banalisation du cadre de vie induite par de nombreuses constructions récentes
- Promouvoir l’architecture BBC adaptée aux conditions climatiques et économiques de la Gironde
Les principes à adopter :
- Poursuivre les efforts de réhabilitation du patrimoine architectural et urbain
- Faire appel à des concepteurs hommes de l’art (architectes, paysagistes, urbanistes) pour tout projet d’aménagement ou de construction
- Associer aux réflexions de programmation et de réalisation les différents acteurs et décisionnaires, et ceci en amont des projets (DDT, ABF, …)
- Alimenter les choix de constructibilité des terrains par une étude paysagère des sites bâtis : logiques d’implantation du bâti dans le paysage et réalisation de simulations d’implantations
- Assumer des volumes bâtis en continuité de ceux des centres-villes existants, y compris en proposant, selon les contextes, des R+1 ou R+2
- Initier des opérations exemplaires pour les projets de bâtiments publics où l’architecture traditionnelle pourra être une source d’inspiration sans être un frein à la modernité.
- Prendre en compte les caractéristiques propres à l’architecture traditionnelle locale dans les constructions neuves :
- rapport à la pente
- hauteur et volumétrie
- couleur dominante des façades et des toitures
- typologie d’implantation par rapport à la rue
- proportions des ouvertures
- clôtures et végétal en limite d’espace public (ou visuellement public)
- Eviter les haies monospécifiques de persistants (notamment type thuyas, laurier-cerise,...) dont l’effet est banalisant
- Développer l’évolutivité des opérations et la gestion dans le long terme
- Intégrer l’utilisation des énergies renouvelables à la conception architecturale et urbaine (Bâtiments Basse Consommation...)
Les dynamiques d’évolution récente
2.1 - Une suprématie de la route pour les transports et déplacements
Le développement spectaculaire, dans la deuxième moitié du XXème siècle, de l’utilisation de la voiture a vu ce mode de déplacement prendre le pas sur les transports collectifs (train, tram...) ; de même, le fret ferroviaire et les gabarres des fleuves ont laissé la place aux poids-lourds. Aujourd’hui, le réseau routier est le premier vecteur de déplacements, à tel point qu’il est souvent surchargé sur ses tronçons les plus fréquentés : le trafic sur la rocade de Bordeaux s’échelonne entre 85 000 et 130 000 véhicules par jour selon les secteurs, donnant lieu à de nombreux bouchons et ralentissements aux heures les plus fréquentées. Au total, ce sont environ 6 000 km de routes qui sont gérés par le département.
2.2 - Une urbanisation linéaire au bord des routes
Au sortir des villes et des bourgs, le réseau des routes semble fournir une accroche évidente aux extensions urbaines : les constructions nouvelles s’égrènent, alignées au bord des voies mais souvent isolées en cœur de parcelle, dessinant des faubourgs désorganisés, sans lien direct avec le centre-bourg hormis la voie routière. En effet, aucun espace public ne se constitue au long de ces axes, et les connexions piétonnes ou cyclistes sont difficilement envisageables. De plus, cette forme lâche d’étalement à un coût de revient important en termes de réseaux collectifs (eau, électricité...) comme de services publics (ramassage des ordures...), et ne constitue pas un mode durable d’urbanisation.
2.3 - Un aménagement souvent routier des entrées et des traversées de villes
La conjugaison des deux phénomènes précédents (prédominance de la route et urbanisation linéaire) explique la constitution de paysages d’entrée de villes particulièrement appauvris : la priorité donnée à la voiture a mené à la création d’aménagements particulièrement "routiers" (larges voies bitumées, bordures de béton, ronds-points imposants, trottoirs insignifiants...). Particulièrement fréquent en entrée de ville, ce type de configuration se prolonge parfois durant la traversée du bourg, si celui-ci est implanté sur un axe important. Difficile, alors, de proposer un aménagement de l’espace public de qualité, propice aux circulations douces ou aux activités.
2.4 - Une faiblesse du transport fluvial, un patrimoine remarquable encore majoritairement « endormi »
Autrefois axes de circulation majeurs du territoire girondin, les deux fleuves et l’estuaire ont vu leur rôle diminuer fortement. Si quelques terminaux spécialisés sont encore en activité pour le transport de certains produits (Le Verdon, Pauillac, Blaye, Ambès, Bassens, Bordeaux), les nombreux ports jalonnant Garonne et Dordogne, pour la plupart, tombent aujourd’hui dans l’oubli. La navigation est pourtant possible sur ces cours d’eau : les pièces de l’A380, par exemple, transitent aujourd’hui par bateau jusqu’au port de Langon. Mais cette activité si loin en aval reste anecdotique, tout comme les quelques possibilités de déplacement fluvial (traversée Blaye-Lamarque). L’apparition d’un tourisme fluvial en développement pourrait néanmoins offrir l’opportunité de "réactiver" ces cours d’eau et de valoriser le patrimoine lié à leur histoire, encore bien présent (22 paquebots en escale en 2011).
Au début du siècle, les quais de Bordeaux fourmillaient de l'intense activité commerciale du port : la Garonne était alors encore un axe majeur de circulation.
Navigation en aval de l'écluse de Castets-en-Dorthe, à la jonction entre la Garonne et son canal latéral.
Langoiran vers 1910 et aujourd'hui - L'abandon progressif de la navigation fluviale a conduit a une transformation radicale du paysage des berges et des chenaux, due à l'absence de gestion (ici sur le Grand Estey).
2.5 - Un réseau ferré simplifié
La démocratisation de l’automobile a entraîné, en quelques dizaines d’année, une simplification radicale du réseau ferré. De très nombreux tronçons desservant les gares de petits bourgs ont été progressivement désaffectés, jusqu’à ce que ne soient finalement préservées que quelques voies majeures.
Cambes vers 1910 et aujourd'hui - Plus rien ne laisse aujourd'hui supposer que le train a pu à une époque circuler ici, juste au pied de l'église.
2.6 - Un développement des réseaux de transports urbains dans l’agglomération bordelaise
La mise en place du réseau de tramway au sein de l’agglomération bordelaise modifie fortement la donne en termes de transports : une alternative efficace à la voiture est ainsi offerte sur le territoire de la Communauté Urbaine de Bordeaux, garantissant des temps de parcours raisonnables et une desserte régulière. Les trois lignes ont été mises en service en 2003 et 2004, avant d’être prolongées entre 2006 et 2008. Aujourd’hui, le réseau totalise 44 km, et est emprunté par environ 350 000 voyageurs par jour.
2.7 - Un accroissement important des réseaux de circulations douces
A l’échelle du département existe une offre importante, encore en développement, en termes de pistes cyclables : un réseau complet permet de sillonner les paysages girondins. Sur les 600 km existant aujourd’hui, 300 ont été créés directement par le Conseil Général, souvent en tirant parti de la présence d’anciennes voies ferrées, dont les emprises sont ainsi préservées. Si ces circuits forment une activité touristique très attractive, encore en développement, ils peuvent aussi constituer, à plus petite échelle, des réseaux de transports locaux alternatifs à la voiture, encourageant ainsi les déplacements doux au quotidien.
Le Département est également à l’origine de la création d’un important réseau de circuits pédestres, entretenus et balisés. Empruntant en grande partie des chemins ruraux existants, ces itinéraires permettent de valoriser et d’ouvrir au tourisme le patrimoine paysager et bâti du département. Environ 4200 km de pistes existent aujourd’hui, sillonnant l’ensemble du territoire girondin.
2.8 - Des créations récentes ou à venir de grandes infrastructures : A65, LGV...
Au-delà des transformations directes du territoire induites par la création de tel réseaux (terrassements, ruptures de continuités écologiques,...), leur influence se traduit également rapidement à travers les pressions foncières et les constructions, les nouvelles modalités de déplacements ainsi offertes entraînant une reconfiguration des aires d’influence. Ainsi, la mise en place prochaine des Lignes à Grande Vitesse du sud-ouest réduira à moins d’une heure les trajets entre les principales villes d’Aquitaine.
Document à télécharger :
Les objectifs de qualité paysagère et les exemples
Orientation 2.1 - Développer les offres de transport alternatives à la voiture (train, tram, transport fluvial, pistes cyclables, itinéraires de randonnée,...) ; réinvestir les infrastructures existantes (réseau ferré, ports)
Les objectifs visés :
- Améliorer la qualité de vie en supprimant des déplacements motorisés contraints, coûteux et chronophages et en offrant un environnement plus calme et paisible
- Réduire la dépendance à la voiture et les émissions de GES (gaz à effet de serre)
- Lutter contre les inégalités sociales en réduisant les inégalités d’accessibilité, qu’elles soient liées aux ressources ou aux capacités physiques de mobilité (personnes âgées, enfants, …)
- Encourager les déplacements à pied ou à vélo, améliorer la qualité des déplacements quotidiens des habitants
- Améliorer l’attractivité touristique et de loisirs et valoriser des paysages, sites et éléments à caractère patrimonial
- Mettre en relation les espaces habités et de nature ; mailler les quartiers
- Conforter les microcentralités
- Développer le réseau des circulations douces pour les déplacements quotidiens, pour les loisirs et pour le tourisme, avec une forte ambition qualitative
- Renforcer le rôle et la centralité des gares, favoriser l’intermodalité vélo/gare
- Stopper l’allongement de l’urbanisation linéaire au fil des routes
Les principes à adopter :
- Organiser concomitamment le développement urbain et l’offre en transports en commun et en circulations douces
- Développer des quartiers accueillants et propices aux circulations douces (piétons et vélos), aux rencontres et aux échanges, grâce à des espaces publics de qualité et une porosité des quartiers
- Développer des quartiers bien desservis en transports en commun, offrant à leurs habitants une mobilité vers la ville et les espaces de nature, vers leur lieu de travail ou de loisirs
- Réserver des emprises dans les documents d’urbanisme pour la mise en place des liaisons douces et des réseaux de transport
- Développer les sites propres interurbains pour les transports en commun
- Interconnecter les gares avec les circulations douces
- Valoriser l’espace public urbain autour des gares et y développer l’offre de services
- Développer la densité urbaine autour des gares en modulant le principe selon les contextes
- Favoriser le franchissement piéton des voies au droit ou à proximité des gares
- Favoriser des circulations douces confortables, efficaces, sûres, et visuellement attractives, notamment pour les liaisons interquartiers
- Organiser un urbanisme des courtes distances, ne nécessitant pas un recours obligatoire à la voiture
- Systématiser la création de circulations douces à l’occasion des nouveaux projets routiers
- Garantir la cohérence et à la continuité des itinéraires cyclables, en secteur urbain comme en zone rurale
- Compléter le réseau des circulations par des cheminements piétons et cyclistes dissociés des circulations routières
- Assurer l’entretien et la pérennité des aménagements dans le temps
Orientation 2.2 - Adapter les routes aux situations urbaines en entrées et traversées de villes et villages et réduire la place de la voiture au bénéfice des piétons
Les objectifs visés :
- Améliorer l’image des grandes voies de circulation en milieu urbain
- Contribuer à apaiser la conduite
- Améliorer le confort d’utilisation des routes en milieu urbain, comme espaces publics pour les habitants
- Requalifier les entrées de villes et de villages
- Requalifier le cadre de vie des communes traversées
- Eviter la banalisation du territoire
Les principes à adopter :
- Requalifier les espaces publics dans des dispositions plus urbaines ou jardinées et moins routières, au bénéfice des modes doux de déplacements
- Mettre en scène et qualifier les entrées de ville, transitions entre espaces de nature et espaces urbains, organiser des portes de villes plantées
- Réduire les emprises routières et les surfaces minéralisées
- Créer ou aménager des cheminements piétonniers larges, des traversées piétonnes confortables et faciles
- Organiser le passage de circulations douces et le cas échéant de Transports en Commun en Site Propre (TCSP)
- Planter les emprises par des arbres d’ombrage
- Réserver une partie du stationnement urbain en linéaire (incitation au ralentissement, …)
- Enterrer les réseaux aériens, réduire la place des publicités et enseignes, revaloriser les façades bâties et le linéaire des clôtures
- Séquencer les linéaires par des aménagements variés, contraster entre séquences en diffus et traversées de centralités
- Réduire les largeurs de chaussée et les vitesses
- Améliorer le fonctionnement et la lisibilité des micro-centralités, donner priorité aux piétons
- Valoriser le paysage bâti : résorption des points noirs bâtis, relocalisation d’activités « points noirs » dans les ZA projetées, requalification des clôtures dans des dispositions plus douces (végétales), plantations, éclairage,…
- Offrir les équipements et services greffés sur la route de façon confortable (boutique, pharmacie, école, …)
- Limiter le mobilier urbain et routier banalisant
- Requalifier soigneusement les secteurs où se concentrent les commerces, les abords des édifices publics ou religieux, les intersections principales, les places et placettes, etc. : traitement de sols spécifiques, pouvant utiliser des matériaux nobles (pavés, etc.)
Orientation 2.3 - Stopper l’urbanisation linéaire autour des grandes infrastructures et préserver les espaces de respiration (coupures d’urbanisation)
Les objectifs visés :
- Limiter la surconsommation d’espace agricole et naturel par l’urbanisation
- Améliorer la qualité paysagère depuis les infrastructures de déplacements, notamment au niveau des entrées de villes
- Réduire la dépendance à la voiture et les émissions de GES (gaz à effet de serre)
- Maîtriser les effets de vitrines sur les grandes routes (surenchère commerciale, développement des panneaux et enseignes publicitaires)
- Eviter les continuums urbains
- Préserver les coupures d’urbanisation
Les principes à adopter :
- Stopper l’urbanisation linéaire au fil des routes : inconstructibilité des bords de routes portée aux documents d’urbanisme
- Identifier et préserver aux documents d’urbanisme les coupures d’urbanisation et les ouvertures visuelles depuis les routes
- Développer une politique d’acquisition foncière en bords de routes (passage de circulations douces, plantations d’alignements)
- Réduire au maximum les surfaces minéralisées
- Réduire le mobilier à caractère routier
- Réduire la place des panneaux publicitaires et enseignes
- Mettre en scène les fenêtres préservées sur le grand paysage
- Mettre à distance les implantations urbaines et d’activités par rapport aux routes
- Mettre en scène les transitions entre séquences construites et séquences ouvertes, les entrées de villes et de villages
- Développer la gestion paysagère et environnementale des emprises de la route, avec la mise en place d’une gestion différenciée
Orientation 2.4 - Valoriser les routes-paysages, axes de découverte du patrimoine girondin
Les objectifs visés :
- Offrir à la vue les grands paysages de la Gironde depuis les grandes infrastructures et les itinéraires touristiques pour contribuer à l’attractivité du département
- Contribuer à la lutte contre le mitage et l’urbanisation linéaire
- Contribuer à la protection des espaces agricoles et de nature
- Améliorer la lisibilité et la qualité des entrées de villes et villages
- Mettre en valeur le territoire par des itinéraires de qualité
- Révéler le patrimoine plus "discret" des paysages
- Revaloriser l’image de la Gironde perçue depuis les principales infrastructures
Les principes à adopter :
- Identifier les bords des routes concernés et les rendre inconstructibles sur une largeur à déterminer au cas par cas dans les documents d’urbanisme
- Acquérir le cas échéant des bandes de terrain d’accompagnement : pour les circulations douces et les dessertes agricoles, pour les plantations, pour les fossés, pour les murets de protections, pour les arrêts touristiques, …
- Améliorer les terrassements (talus de déblais, de remblais, murs, …)
- Planter certaines sections, favoriser les plantations d’alignement
- Mettre en scène des points de vue et aires d’arrêt
- Prévoir des aménagements sobres, sans surenchère
- Développer une signalétique adaptée spécifique aux routes-paysages, intégrer la signalisation touristique
- Mettre en place des points d’interface avec les circulations douces (stationnements, points de vue...)
- Marquer les entrées de villes et villages (portes d’entrée, seuils, lisières urbaines)
- Pérenniser les plantations d’alignement en lien avec les dispositifs de sécurité, de gestion et de valorisation paysagère
- Adapter les équipements routiers au caractère patrimonial de ces itinéraires
- Mettre en valeur les villages qui ponctuent ces routes : entrées de villages, espaces publics, services, patrimoine architectural...
Orientation 2.5 - Poursuivre la valorisation du patrimoine fluvial
Les objectifs visés :
- Offrir des espaces publics de qualité en contact avec les cours d’eau, qu’il s’agisse de sites urbains ou d’espaces plus naturels
- Revaloriser le patrimoine lié à la navigation, facteur historique de développement de la Gironde
- Aménager des sites susceptibles d’accueillir des bateaux dans l’optique d’une réactivation de la navigation fluviale
- Intensifier les activités de loisirs liées aux fleuves en offrant des sites accessibles et praticables
- Proposer des aménagements tournés vers les cours d’eau, plus amènes, et non plus vers les routes
Les principes à adopter :
- Mettre en scène les sites de contact entre la ville ou le village et l’eau
- Revaloriser les petits ports de l’estuaire et des fleuves
- Revaloriser le patrimoine bâti lié à l’eau : moulins, entrepôts...
- Requalifier les espaces publics en contact avec les cours d’eau (traitements des sols, place de la voiture, accessibilité à l’eau, plantations...)
- Revaloriser les façades bâties fluviales
- Mettre en place une gestion des berges et des ripisylves permettant de préserver les qualités écologiques des cours d’eau et d’assurer l’accessibilité du public
- Développer des circulations douces au long des berges des cours d’eau
- Proposer des lieux de traversées par bacs reliant les sites stratégiques ?
Orientation 2.6 - Inscrire les futures infrastructures dans les paysages
Les objectifs visés :
- Valoriser les notions de cadre de vie et de paysage dans les projets de développement d’infrastructures
- Minimiser les nuisances pour les riverains dues à l’implantation d’infrastructures lourdes sur le territoire
- Préserver des continuités écologiques et paysagères sur le territoire
- Valoriser le territoire aux yeux des usagers
Les principes à adopter :
- Faire appel à des hommes de l’art (paysagistes, architectes d’ouvrage d’art, écologues...) en complément de l’ingénierie tout au long du programme, de la conception à la réalisation
- Garantir les budgets d’aménagements paysagers, urbains et écologiques dès l’amont et jusqu’au bout
- Acquérir des emprises permettant de traiter les transitions
- Accompagner les infrastructures par des emprises paysagères plantées dans le cadre d’un plan de valorisation et de gestion paysagère d’ensemble
- Gérer le paysage des abords des infrastructures par la mise en place d’ourlets plantés et gérés en fonction des territoires traversés
- Multiplier les fonctionnalités sur les emprises latérales (circulations douces...)
- Maintenir un recul de constructibilité afin d’éviter les effets de vitrine commerciale (routes)
- Aménager des franchissements pour la faune afin de compenser le morcellement des habitats
- Préserver les corridors écologiques majeurs
- Maintenir la continuité des cours d’eau pour préserver la trame bleue
Les dynamiques d’évolution récente
3.1 - Une rationalisation des pratiques
Avec la mécanisation, les pratiques agricoles se sont radicalement transformées durant la deuxième moitié du XXème siècle, et les nouveaux moyens de production ont nécessité une gestion différente des terres cultivées. Au lieu de très nombreuses exploitations de petite taille, dont les modes de gestion composaient des paysages complexes, on trouve aujourd’hui de grands exploitants en nombre plus réduits, rationalisant leurs méthodes pour parvenir à une production optimale (60 000 producteurs viticoles étaient en activité en Gironde en 1960, moins de 12 000 en 1999). Remembrement, traitements phytosanitaires, utilisation d’intrants, irrigation... ont permis de maximiser les rendements : aujourd’hui, les terres maïsicoles girondines sont parmi les plus productives au monde, notamment grâce à l’irrigation, et la région Aquitaine produit une des plus importantes récoltes de maïs en Europe ; concernant la vigne, en 2006, un hectare recevait en moyenne 19 traitements dans le Bordelais, ce qui en fait la troisième région viticole pour le nombre de traitements annuels.
Lanton en 1950, puis en 2004.
L'apparition des cultures maïsicoles a transformé le paysage du massif forestier, ouvrant de très grandes clairières dont la géométrie circulaire est déterminée par les rampes d'arrosage. La géométrie circulaire des parcelles maïsicoles est dictée par les systèmes d'irrigation
L'intensification de l'agriculture dans les mattes au cours des dernières décennies s'est traduite par une disparition quasi-complète du pâturage, une simplification des réseaux de drainage, et une suppression des haies brise-vent traditionnelles de tamaris.
3.2 - Une simplification des paysages (agrandissement des parcelles, disparition des structures végétales, monocultures)
Le remembrement et la rationalisation des cultures ont eu des effets flagrants sur les paysages que dessine l’agriculture : la simplification du parcellaire (regroupement et agrandissement des terrains) s’est accompagnée d’une disparition des structures qui accompagnaient les anciennes limites (haies, murets, fossés) et le développement des monocultures sur des territoires parfois très vastes compose des paysages monotones. L’agrandissement des exploitations agricoles, et la diminution du nombre d’exploitants, a accentué ce phénomène (12 722 exploitations en 2000 ; 10 489 en 2005 ; 9 864 en 2007). Ces phénomènes se poursuivent encore aujourd’hui : en Aquitaine, les bosquets et haies ont régressé de 5 % sur la période 2005-2007.
3.3 - Un fort recul du pâturage, une nette raréfaction des prairies
Avec l’intensification, les cultures les plus rentables ont rapidement remplacé les occupations du sol plus extensives : la céréaliculture ou les peupleraies ont ainsi très souvent pris la place des prairies. Aujourd’hui, les terrains fauchés ou pâturés représentent à peine un cinquième de la Surface Agricole Utile du département. Les surfaces toujours en herbe ont régressé entre 1989 et 2002 de 32 000 ha, soit 45 % de leur surface.
3.4 - Un enfrichement des terres peu attractives (coteaux raides, régions forestières au parcellaire morcelé, terres humides difficiles à drainer)
Certaines terres anciennement cultivées ou maintenues en prairies laissent aujourd’hui la place à un enfrichement plus ou moins avancé : leurs situations plus complexes ne permettent pas une gestion efficace par les moyens modernes de production. De ce fait, ces surfaces considérées comme non rentables sont souvent laissées à l’abandon et participent alors de la simplification des paysages : aux horizons uniformément ouverts de la monoculture répondent les boisements fermés des friches. Ce phénomène apparaît plus marqué dans les secteurs du Bazadais et des Franges boisées du nord.
Cambes vers 1910 et aujourd'hui. Ici, l'enfrichement se traduit par la fermeture des vues, le village de Cambes, bien visible depuis les hauteurs vers 1910, est aujourd'hui totalement caché par les boisements.
Villeneuve-de-Blaye vers 1910 et aujourd'hui. Bien que les prairies se soient bien maintenues, on observe, entre le début du XXème siècle et aujourd'hui, un épaississement notable des boisements du coteau.
3.5 - Une pinède soumise aux intempéries. Un écosystème qui se simplifie.
La forêt des Landes de Gascogne a connu très récemment des tempêtes susceptibles d’affecter considérablement le stock de bois, la qualité biologique des forêts, le stockage du carbone sur pieds. La tempête MARTIN de décembre 1999 a provoqué la destruction à plus de 40% de 100000 ha et celle de janvier 2009 « KLAUS » a entraîné la destruction à plus de 40% de près de 226000 ha.
La simplification de cet écosystème par les conduites sylvicoles qui réduisent la concurrence entre le pin et les autres espèces (la suppression du sous bois par exemple, bien que la tendance ne soit pas au renforcement du débroussaillement), qui homogénéisent le peuplement (futaie régulière, absence de stades sénescents, arbres morts…), et les conditions édaphiques (assainissement), entraîne une diminution des capacités d’accueil en supprimant des « niches écologiques » et par conséquent, les interrelations entre organismes, dont notamment ceux qui peuvent réguler les ravageurs (oiseaux, prédateurs …).
3.6 - Une reconnaissance patrimoniale (forêt littorale, vignoble en général, Saint-Emilion en particulier)
Certaines productions agricoles contribuent grandement à l’image de marque du département, tant par les paysages qu’elles dessinent que par la qualité de leurs productions : le vignoble en est l’exemple le plus frappant. Ce statut particulier confère à ces paysages une meilleure "capacité de résistance" aux évolutions, notamment aux pressions foncières : les vignobles prestigieux sont peu frappés par le mitage ou par des extensions urbaines disgracieuses.
3.6 - Une reconnaissance patrimoniale (forêt littorale, vignoble en général, Saint-Emilion en particulier)
Certaines productions agricoles contribuent grandement à l’image de marque du département, tant par les paysages qu’elles dessinent que par la qualité de leurs productions : le vignoble en est l’exemple le plus frappant. Ce statut particulier confère à ces paysages une meilleure "capacité de résistance" aux évolutions, notamment aux pressions foncières : les vignobles prestigieux sont peu frappés par le mitage ou par des extensions urbaines disgracieuses.
L'inscription par l'UNESCO sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité des paysages de Saint-Emilion, en tant qu''exemple remarquable d'un paysage viticole historique qui a survécu intact et est en activité de nos jours', est révélatrice de la reconnaissance croissante des paysages.
Lussac vers 1910 et aujourd'hui - Le paysage des pentes de Lussac a peu évolué depuis le début du XXème siècle, grâce au maintien des parcelles viticoles.
3.7 - Un développement de pratiques durables - raisonnées ou biologiques
Les évolutions récentes de l’agriculture vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement se font également sentir en Gironde, et les exploitations biologiques se développent progressivement. Ces évolutions sont encouragées par les collectivités territoriales, sous la forme de primes et d’aides à l’installation pour les exploitants. En 2008, plus de 1000 ha de vignes étaient cultivés selon un mode de production biologique en Gironde.
L’enherbement des vignes, qui permet de lutter contre l’érosion des sols et d’améliorer la biodiversité (il joue le rôle de filtre vis-à-vis des particules fines du sol (colloïdes) ainsi que vis-à-vis des produits phytosanitaires retenus et partiellement « décomposés » par les micro-organismes vivant dans le sol), est un autre exemple de ces pratiques : 80 % du vignoble sont aujourd’hui concernés (l’enherbement n’est cependant complet que sur 8 % du vignoble, le pied des vignes étant désherbé sur la majorité des exploitations). De même, les sarments de vignes sont restitués sur la parcelle dans 83 % des cas, ce qui permet de maintenir en partie la fertilité du sol.
Document à télécharger :
Orientation 3.1 - Préserver et renouveler les structures paysagères dans le contexte agricole (haies, murets, alignements, arbres isolés, chemins, ...)
Les objectifs visés :
- Enrichir et améliorer les paysages agricoles et valoriser notamment les paysages de grandes cultures
- Faire contribuer les espaces agricoles à la préservation de la culture rurale et de la biodiversité
- Lutter contre la pollution des eaux et l’érosion des sols
- Favoriser la présence de petit gibier pour la chasse
Les principes à adopter :
- Identifier, inventorier, cartographier et préserver les structures paysagères rurales à l’échelle communale (arbres isolés, haies, bosquets, alignements, murets, chemins, …)
- Redonner une place à l’arbre dans l’espace agricole, en adaptant l’emplacement et en choisissant des espèces adaptées au contexte rural notamment :
- le long de certaines routes, sur certains itinéraires ou certains secteurs clefs (entrées de bourgs…) en mobilisant les emprises nécessaires à la sécurité
- le long de chemins agricoles ou à leur croisement (sans gêner le passage des engins) : arbres fruitiers, feuillus précieux…
- en limite des parcelles vouées à l’arboriculture ou à la culture sous serres
- le long des itinéraires de randonnée
- sur des espaces "résiduels" (talus…)
- autour des fossés, ruisseaux, mares et étangs (ripisylve)
- en limite de parcelles
- en "arbres-signaux", plantations isolées marquant un repère dans le paysage
- en accompagnement des bâtiments agricoles : plantations d’arbres et de haies
- de façon adaptée pour favoriser les objectifs d’agriculture biologique (auxiliaires des cultures...) ou les objectifs cynégétiques
- Développer les bandes enherbées en limite de parcelles, à proximité des boisements, des cours d’eau ou des routes capables d’assurer également une continuité dans les cheminements ruraux lorsqu’ils font défaut
- Sur le plateau des Landes girondines, préserver les réseaux de fossés et leurs plantations de feuillus qui caractérisent le paysage forestier notamment lors des coupes rases de pins ou de l’exploitation du pin à proximité des lagunes ; replanter ces mini ripisylves lorsqu’elles font défaut
Orientation 3.2 - Protéger les prairies et pâturages et promouvoir leur re-développement (voir aussi orientation 4.1.)
Les objectifs visés :
- Préserver les qualités écologiques des prairies : biodiversité, filtration des eaux en fonds de vallons, zones d’expansion des crues...
- Protéger la richesse des paysages et des structures paysagères liées aux prairies : réseaux de haies, fossés plantés, arbres isolés, ...
- Améliorer la qualité paysagère des espaces agricoles en favorisant une plus grande diversité
- Réduire les effets de mitage et pérenniser les espaces agricoles
Les principes à adopter :
- Identifier et protéger les prairies et pâturages dans les documents d’urbanisme et d’aménagement
- Pérenniser les exploitations agricoles assurant la gestion extensive des espaces de prairies
- Soutenir les modes de gestion favorables aux prairies et pâtures
- Créer des labels et des circuits de distribution de proximité pour les productions locales
- Valoriser socialement et culturellement les espaces des prairies par une mixité d’usages (visibilité, accessibilité, itinéraires de promenades, pédagogie...)
- Mettre en oeuvre des modalités de gestion adaptées pour des prairies sans vocation économique mais à vocation sociale, environnementale ou paysagère (gestion de l’eau, espace d’aménité,...), notamment en milieu urbain ou périurbain (voir aussi orientation 4.6)
Orientation 3.3 - Maîtriser l’implantation des peupleraies dans certains sites
Les objectifs visés :
- Concilier la présence des peupleraies avec des situations paysagères, urbaines ou écologiques particulières
Les principes à adopter :
- Organiser les implantations de peupleraies dans le cadre de « plans de paysages et de populiculture » concertés, menés par des hommes de l’art (paysagistes, forestiers) : préservation d’ouvertures visuelles sur les sites de caractère
- Maintenir des bandes non plantées entre les berges et les plantations, notamment afin d’éviter la chute des arbres en cas d’effondrement des berges
- Encourager des pratiques sylvicoles favorables en termes de biodiversité : maintien d’un sous-étage arbustif dans certains cas, préservation d’ourlets boisés en lisière,...
Orientation 3.4 – Préserver et régénérer le massif forestier des Landes Girondines
Les objectifs visés :
- Conforter le rôle économique et environnemental de la forêt
- Reconstituer le massif forestier après les tempêtes et leurs conséquences sanitaires
- Valoriser les paysages et les milieux forestiers de production
- Favoriser la prise en compte des enjeux environnementaux dans les pratiques sylvicoles
- Adapter les pratiques au contexte du changement climatique (fréquence des tempêtes, réchauffement des températures...)
Les principes à adopter :
- Maîtriser le développement de l’urbanisation, des infrastructures, de l’agriculture et des énergies au détriment de la forêt
- Préserver la forêt et garantir ses conditions de gestion en situation périurbaine (périphéries de Bordeaux, du Bassin d’Arcachon notamment) – voir orientation 3.7
- Stopper l’urbanisation linéaire et diffuse entre l’agglomération Bordelaise et le Bassin d’Arcachon
- Promouvoir la recherche, l’expérimentation et la mise en œuvre de pratiques sylvicoles en faveur d’une forêt moins vulnérable aux risques ; encourager la diversification des espèces dans le massif des Landes girondines (robiniers, chênes... ; ces espèces nécessitent des investissements plus lourds de protection contre le gibier)
- Promouvoir le développement et la diversification de la filière bois
- Préserver les ripisylves feuillues liées au réseau hydrographique, facteur de richesse biologique et paysagère
- Enrichir les lisières agro-forestières en termes de paysage et de biodiversité
- Préserver le cadre forestier des abords de routes (éviter l’implantation de parcs photovoltaïques collés aux axes de circulation, maintenir les implantations d’activités à distance des voies, en lien avec le paysage forestier)
Orientation 3.5 - Encourager les pratiques agricoles biologiques ou raisonnées
Les objectifs visés :
- Renforcer la biodiversité ordinaire et la qualité paysagère du cadre de vie
- Réduire la pollution par les intrants, notamment en matière de produits phytosanitaires
- Améliorer la qualité paysagère des espaces agricoles en favorisant une plus grande diversité
Les principes à adopter :
- Soutenir les reconversions d’exploitations traditionnelles en agriculture biologique
- Organiser et développer des filières de produits spécifiques, notamment des circuits courts de distribution
- Promouvoir les méthodes culturales durables, les principes d’agriculture raisonnée ou biologique limitant l’utilisation d’intrants
- Protéger des espaces agricoles en situation urbaines et périurbaines (cf Orientation 3.6)
- Favoriser des modes de commercialisation alternatifs (productions biologiques, cultures de niches,…) permettant une amélioration de l’image de marque du territoire et une valorisation du terroir
Orientation 3.6 - Développer l’agriculture urbaine et périurbaine
Les objectifs visés :
- Pérenniser l’activité agricole dans un cadre périurbain et urbain
- Développer de nouveaux débouchés et filières économiquement viables
- Favoriser les échanges entre agriculteurs, encourager l’organisation des professions et des filières
- Améliorer la qualité des produits
- Offrir des espaces de respiration pour les habitants, des espaces de "nature" intra urbains
- Favoriser les échanges urbains/agriculteurs (prévention des conflits d’usages)
Les principes à adopter :
- Protéger sur le long terme les parcelles, offrir une visibilité d’exploitation durable pour les agriculteurs (« parcs » agricoles)
- Fonder les orientations sur des diagnostics agricoles (exploitants, repreneurs, qualité des sols, accès à l’eau, fonctionnement des exploitations,...) réalisés par des hommes de l’art (agronomes, paysagistes, urbanistes,...)
- Mettre en place ou développer tous les types de circuits courts
- Créer des points de vente directe
- Constituer des lisières urbaines, interfaces ville/agriculture, aménagés spécifiquement dans un intérêt réciproque : protection des cultures contre la fréquentation sauvage, pérennisation des accès aux parcelles, protection des habitants contre les nuisances d’exploitation, mise à disposition d’espaces d’aménités au bénéfice des habitants
- Développer l’agritourisme
- Créer des itinéraires pédagogiques de découverte agricole (sensibilisation des urbains aux activités de production)
- Valoriser les abords des sièges d’exploitations
- Mettre en place des opérations exemplaires locales et communiquer sur les résultats
Outil d’intervention foncière, les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PPEANP) répondent à ces nouveaux enjeux dans une logique de développement durable. Ils permettent de garantir une mise en valeur des espaces agricoles, forestiers et naturels « sous tension » en raison de l’urbanisation, de conflits d’usage, de prix du foncier…Ils contribuent ainsi à la maîtrise de l’étalement urbain et une consommation raisonnée de l’espace et au soutien des activités agricoles, notamment en valorisant des formes de commercialisation en circuits courts (marché, vente directe, AMAP…) de plus en plus prisés par les consommateurs urbains.
Orientation 3.7 - Adapter l’urbanisme et la sylviculture aux situations forestières urbaines et périurbaines
Les objectifs visés :
- Pérenniser l’activité sylvicole en situation périurbaine
- Limiter les risques liés aux incendies
- Offrir des espaces de vie valorisés, fondés sur la qualité paysagère forestière identitaire et spécifique au département
- Promouvoir un "urbanisme forestier"
Les principes à adopter :
- Fonder le projet urbain sur une reconnaissance des paysages et des milieux forestiers, ainsi que des conditions de leur gestion
- Faire appel à des hommes de l’art (paysagistes, architectes, urbanistes, environnementalistes, forestiers...) de l’amont à l’aval des opérations
- Garantir le maintien des accès aux parcelles, les places de dépôts,...
- Organiser la fréquentation du public dans les espaces sylvicoles
- Créer des lisières urbaines spécifiques : espaces tampons favorisant la coexistence apaisée de la ville et de l’exploitation forestière (limitation des risques incendies, maîtrise de la fréquentation du public, éloignement des nuisances d’exploitation, …) (voir orientation 1.5)
- Encourager les pratiques sylvicoles de diversification
- Doter chaque boisement urbain et périurbain public d’un plan de gestion adapté (usages et pérennité des peuplements, biodiversité…)
Les dynamiques d’évolution récente
4.1 - Une extraction massive des graves dans les fleuves : érosion des berges, destruction des frayères, disparition des plages, envasement des lits et augmentation de la turbidité de l’eau,...
Durant les années 1970, de très importantes extractions de graves ont été pratiquées dans le lit de la Garonne. Ces pratiques aujourd’hui interdites ont transformé de façon très marquée les paysages et les écosystèmes de la vallée : les berges, autrefois prolongées par d’amples plages de graviers, sont aujourd’hui abruptes, et plus sensibles à l’érosion due au courant. Les usages liés aux bords de Garonne (baignade, pêche...), autrefois très répandus, semblent aujourd’hui anecdotiques, notamment du fait de ces transformations qui ont rendu ces secteurs impraticables. Les milieux naturels ont également souffert de ces transformations, ayant notamment entraîné la disparition d’un grand nombre de frayères. Aujourd’hui, de petites plages réapparaissent sur les berges, notamment dans la partie convexe des méandres, mais leur ampleur reste limitée.
4.2 - Une dégradation des ripisylves, en termes de surface comme de qualité
Avec l’intensification de l’agriculture, les labours dans les vallées s’étirent presque jusqu’aux berges, laissant très peu de place à la ripisylve et aux boisements alluviaux. Cette concurrence directe réduit fortement l’emprise de ces milieux, dont l’équilibre est aussi menacé par des espèces comme l’érable negundo ou le peuplier de culture, qui colonisent et appauvrissent les berges.
4.3 - Une diminution des zones humides, marais et prairies au bénéfice d’une agriculture plus intensive
Les vallées humides, autrefois exploitées principalement sous forme de prairies, ont été en grande partie retournées au profit de l’agriculture. Les milieux naturels humides ont vu leur surface diminuer fortement suite à ces politiques d’expansion – longtemps encouragées par des subventions - et sont aujourd’hui peu représentés.
Saint-Ciers-sur-Gironde en 1950, 1984 et 2004 - Les marais de Braud-et-Saint-Louis, à l'origine exploités principalement en prairies pâturées, ont vu leur mode d'occupation des sols évoluer de façon significative durant la deuxième moitié du XXème siècle : de nombreuses petites parcelles pâturées (surtout les plus proches de la rive de l'estuaire) ont été regroupées en longues lanières, leurs canaux de drainage effacés, et leurs terres labourées et semées de céréales ; parallèlement, une importante activité de chasse s'est développée dans les secteurs plus proches du canal de ceinture, avec la création de nombreuses mares ; enfin, dans les dernières décennies, la déprise du pâturage a laissé la place à des friches boisées sur les zones les plus humides.
4.4 - Une fragilisation des espaces de nature (vallons, vallées, fils d’eau) par la pression des extensions urbaines
Avec la hausse des pressions foncières, de nombreuses terres agricoles sont vendues chaque année pour la construction, et ce phénomène tend à s’accentuer ces dernières années : en 2006 et 2007, près de 1000 ha par an étaient vendus dans ce but. Entre 1999 et 2008, environ 5500 ha de terres agricoles ont connu une artificialisation.
4.5 - Une fragmentation des espaces préjudiciable à la biodiversité
Les constructions de nouvelles infrastructures - souvent accompagnées, dans un second temps, de constructions bâties – dessinent des limites infranchissables pour un grand nombre d’espèces animales. La multiplication de ces structures en réseau souvent dense amène à une fragmentation importante des espaces de nature : continuités et corridors biologiques sont alors rompus, et ces contraintes spatiales diminuent la biodiversité.
4.6 - Un développement des peupleraies dans les fonds de vallées
Les cultures de peupliers, moins contraignantes en termes d’entretien, tendent de plus en plus à remplacer les prairies humides et même les terres labourées : en Aquitaine, leur surface a augmenté de 18,5 % entre 2005 et 2007. L’opportunité financière représentée par ce mode d’exploitation (dont le développement reste étroitement lié à la situation économique, cours du bois et des céréales) a conduit à la colonisation de surfaces importantes, notamment dans les fonds de vallée. Si le développement de petits boisements ne pose pas de réels problèmes, tant en termes de paysage que d’écologie, l’apparition de vastes monocultures constitue une problématique importante : fermeture et monotonie des paysages, appauvrissement de la biodiversité...
4.7 - Une gestion complexe des digues et des inondations, une fragilité liée au risque de montée des eaux
Les réseaux complexes de digues qui accompagnent les principaux cours d’eau du département ainsi que l’estuaire posent des questions importantes en termes de gestion. Leur entretien, assuré par de nombreux syndicats privés, peut poser problème localement, et la diversité de ces structures ne permet pas la mise en place d’une politique de gestion à l’échelle départementale, ce qui rend plus difficile la maîtrise des crues et inondations.
4.8 - Une raréfaction des structures végétales arborées (appauvrissement des terres et érosion de la biodiversité)
Avec la simplification des paysages agraires, ce sont de très nombreux kilomètres linéaires de haies qui ont disparu. Outre leur rôle majeur dans la composition des paysages ruraux, ces structures assurent des fonctions écologiques primordiales, repaires de biodiversité et supports principaux des réseaux de la trame verte : la disparition d’une grande majorité de ces haies représente aujourd’hui un appauvrissement.
4.9 - Une surfréquentation des sites touristiques : les dunes (érosion), le Bassin d’Arcachon (bateaux, urbanisation)
La concentration des visiteurs sur quelques sites touristiques majeurs pose des problèmes de préservation des milieux naturels : les dunes littorales, le Bassin d’Arcachon, sont ainsi soumis à des pressions conséquentes durant la haute saison. La richesse écologique qui fait en partie l’attrait de ces secteurs est alors menacée par la surfréquentation, au risque, parfois, de subir des dommages irréversibles.
4.10 - Une reconnaissance, une protection et une valorisation grandissantes des espaces de nature
La Gironde offre encore des espaces de nature riches en biodiversité, dont l’estuaire ou le Bassin d’Arcachon constituent des exemples marquants. Avec l’inventaire des ZNIEFF et la mise en place du réseau Natura 2000, ces secteurs sont aujourd’hui reconnus par des outils règlementaires, dont certains constituent des mesures de protection efficaces. 120 000 ha sont aujourd’hui classés en ZNIEFF de type 2 sur le département, soit 12 % du territoire ; quant aux ZNIEFF de type 1, elles couvrent 48 000 ha. Les Espaces Naturels Sensibles, gérés par le département, comptaient plus de 4 200 ha en 2010, et 16 000 ha supplémentaires faisaient l’objet d’une préemption à ce titre.
Engagée dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Création d’Aires Protégées (SCAP), la politique de préservation des espaces de nature issue du Grenelle de l’environnement s’est fixée comme objectif de placer 2% du territoire terrestre métropolitain en protection forte d’ici 10 ans. Par protection forte, on entend : les cœurs de parc national, les arrêtés de protection de biotopes ou de géotopes, les réserves naturelles nationales et régionales, ainsi que les réserves biologiques. Le réseau Espaces Naturels Sensibles de compétence départementale intègre la SCAP en termes de complémentarité.
4.11 - Des capacités et des modes de gestion en question pour les espaces ’naturels’
Document à télécharger :
Orientation 4.1 – Protéger, gérer et redévelopper les zones humides
Dans les vallées, les zones humides constituent les principaux secteurs d’expansion des crues et participent à l’autoépuration de l’eau. Sur le plan écologique, elles renferment des habitats naturels à très forte valeur patrimoniale et constituent des corridors biologiques d’échanges indispensables à de nombreuses espèces menacées. Fortement réglementés par la loi sur l’eau, tous les aménagements ou travaux qui entraîneraient la destruction de zones humides nécessitent une compensation.
Les objectifs visés :
- Prévenir les risques d’urbanisation des zones humides
- Contribuer à la protection de la qualité des eaux
- Améliorer la gestion des crues par le maintien des zones d’expansion
- Mettre en réseau des espaces de nature au fil de l’eau
- Contribuer à renforcer la biodiversité, notamment dans le cadre de la trame verte et bleue
- Favoriser la richesse biologique, cynégétique et paysagère des milieux associés à l’eau
- Adapter les modes d’aménagement de gestion de l’eau au changement climatique
- Développer la présence de nouveaux espaces de nature, y compris en milieu urbain et périurbain
- Proposer des liaisons douces associées aux cours d’eau et zones humides
Les principes à adopter :
- Poursuivre l’inventaire et la protection des sites présentant un intérêt floristique et/ou faunistique et des milieux et paysages aquatiques ; poursuivre les stratégies d’acquisition de terrains et de gestion sur le long terme
- Définir des plans de gestion à l’amont pour concilier capacités d’accueil du public et protection des milieux
- Promouvoir une gestion des espaces favorable à la qualité de l’eau, à l’échelle de bassins versants et dans le cadre de « plans de paysage de l’eau » menés par des hommes de l’art (paysagistes + écologues, hydrauliciens, agronomes) : limitation de l’artificialisation et de l’imperméabilisation des sols ; adaptation des pratiques de gestion hydraulique (pas de rectification des cours d’eau, création d’ouvrages filtrants ou de zones épuratrices, …) ; adaptation des pratiques agricoles et sylvicoles (non érosives, limitant la sédimentation
- Gérer les ripisylves et créer des bandes enherbées au bord de l’eau
- Créer des cheminements continus au fil de l’eau et des traversées occasionnelles
- Créer ponctuellement des aires de détentes associées à ces itinéraires
- Proposer un service de conseil et d’aide aux particuliers riverains et aux collectivités locales pour l’entretien des berges ou des zones humides privées (notamment sur les secteurs des jalles) et publiques
- Favoriser la re-création de pâtures, de prairies de fauche, de forêts alluviales, y compris en milieu urbain et périurbain...
- Encourager des modes de gestion adaptés, des produits issus d’une gestion durable (labels, marques...)
- Développer une valorisation pédagogique spécifique des paysages de zones humides
Orientation 4.2 - Revaloriser les paysages "naturels" fluviaux et estuariens
Les objectifs visés :
- Favoriser la reconquête de milieux naturels issus des dynamiques fluviales et estuariennes, par abandon des dispositifs de protection
- Re-penser la gestion des milieux littoraux, estuariens et fluviaux dans le contexte de changement climatique : montée du niveau des eaux, érosion des côtes
- Contribuer à la gestion des risques de crues
- Offrir des espaces naturels protégés pour accueillir l’avifaune en périodes de migrations
- Contribuer à renforcer la biodiversité, notamment dans le cadre de la trame verte et bleue
- Développer des sites pédagogiques liés aux milieux naturels
Les principes à adopter :
- Identifier des secteurs susceptibles de faire l’objet de renaturations (terres agricoles délaissées, secteurs exposés à de fréquentes inondations, secteurs d’expansion des crues,...)
- Fonder les projets sur une compréhension fine des fonctionnements hydrologiques des écosystèmes
- Poursuivre la politique d’acquisition des terrains
- Mettre en place des plans de paysage et de gestion adaptés, en faisant appel à des hommes de l’art (paysagistes + écologues, hydrauliciens,...)
- Mettre en place des systèmes d’observation et de suivi des processus et communiquer sur les évolutions et résultats (observatoires de la biodiversité)
- Associer la reconnaissance du patrimoine culturel et des usages aux objectifs de renaturation
Orientation 4.3 - Maîtriser le développement des carrières et accompagner leur reconversion
L’encadrement réglementaire (activité soumise à la réglementation des Installation Classées pour l’Environnement) est fort et permet notamment d’imposer à l’exploitant des mesures de restauration du site en fin d’exploitation. Par contre, les communes sont beaucoup plus démunies en ce qui concernent les sites « orphelins », nécessitant pour des raisons notamment de sécurité, d’engager des travaux de réaménagement et pour certains de valorisation écologique (renaturation) , paysagères…
Les objectifs visés :
- Réduire les risques de déstructuration des paysages alluviaux de Gironde
- Tirer parti des sites marqués par la présence d’anciennes gravières nombreuses pour créer des pôles de nature et d’activités autour de l’eau
Les principes à adopter :
- Réemployer prioritairement les gravats existants issus des chantiers de démolition
- Fonder la stratégie spatiale d’exploitation des carrières sur la base d’une étude paysagère approfondie à l’échelle départementale, menée par des hommes de l’art (paysagiste, écologue...)
- Faire appel à des hommes de l’art (paysagistes, écologues, hydrauliciens...) dès l’amont de l’opération pour définir les conditions de création, de gestion et de reconversion des carrières
- Mettre en scène l’exploitation des carrières dans le paysage, sans nécessairement la masquer derrière des merlons et clôtures industrielles ; valoriser le paysage de l’interface entre l’exploitation et le territoire d’accueil
- Créer des zones humides biologiquement riches à l’occasion de la remise en état/requalification des gravières engagée par l’exploitant au moment de l’arrêt de l’exploitation
- Proposer des aménagements ou réaménagements tenant compte des éléments paysagers culturels et identitaires de la Gironde : digues enherbées, peupleraies, forêts alluviales, ouvrages hydrauliques, portuaires, patrimoine archéologique, ...
- Ouvrir les sites reconvertis au public en tirant parti de la présence des étangs : visuellement ou physiquement
Le parc de l’Ermitage est lui aussi issu de la reconversion d’une ancienne carrière (liée à l’exploitation d’une cimenterie), aujourd’hui, la richesse végétale de ce site a justifié son classement en ZNIEFF et en fait un lieu de promenade et de loisirs privilégié.
Orientation 4.4 - Mettre en place une gestion spécifique - paysagère et environnementale - des berges des cours d’eau
Les objectifs visés :
- Contribuer à la protection de la qualité des eaux douces
- Contribuer à renforcer la biodiversité, notamment dans le cadre de la trame verte et bleue
- Offrir aux habitants de nouveaux sites de nature dans ou à proximité des espaces urbains
- Rendre plus accessibles les berges des cours d’eau
- Restaurer des pratiques liées aux cours d’eau
- Faire des bords de l’eau un support de valorisation écologique et paysagère du département
- Valoriser paysagèrement le réseau des digues
Les principes à adopter :
- Rétablir la continuité écologique des cours d’eau : protéger certains cours d’eau en tant que réservoirs biologiques
- Favoriser la présence et l’épaisseur des ripisylves : mise à distance des cultures agricoles et des peupleraies (bandes enherbées, gestion et plantation des berges par les propriétaires riverains)
- Préserver ou réhabiliter les circulations le long des berges des cours d’eau (chemins de halage, chemins agricoles...) afin de prolonger les continuités piétonnes et cyclables
- Utiliser les digues comme supports de circulations douces privilégiés à travers les plaines fluviales (création de boucles Garonne-Canal latéral, valorisation des bords de fleuves et de l’estuaire...)
- Expérimenter localement l’ouverture au public des digues pour les circulations douces
- Gérer et enrichir les ripisylves dans le but de dégager ou cadrer des vues sur les cours d’eau à intégrer au plan de gestion et d’entretien
- Valoriser les relations des villes et villages en relations physiques et visuelles avec les cours d’eau, gérer les espaces et les plantations en interface
- Aménager des lieux de pause et de découverte au fil de l’eau et les mettre en réseau
- Proposer un service de conseil et d’aide aux particuliers riverains pour l’entretien des berges privées
- Concilier les objectifs environnementaux et l’accueil du public dans le cadre d’un plan de paysage et de gestion global réalisé par des hommes de l’art (paysagistes, écologues...)
Orientation 4.5 - Poursuivre les efforts d’accessibilité aux espaces de nature et développer des actions culturelles dans ces sites, mêlant culture scientifique, artistique et paysagère
Les objectifs visés :
- Poursuivre la mise en valeur paysagère et environnementale des sites naturels, y compris en milieu urbain ou périurbain
- Réduire la pression et organiser la fréquentation sur les sites les plus sensibles
- Sensibiliser et informer le public sur les espaces naturels
- Promouvoir une gestion adaptée, différenciée et pérenne de ces espaces
- Offrir des espaces « naturels » de proximité accessibles au public, participant de la qualité de vie du département
- Améliorer la perception des espaces de nature par le maintien des covisibilités (coteaux-cours d’eau,...)
Les principes à adopter :
- Concilier les objectifs environnementaux et l’accueil du public dans le cadre d’un plan de paysage et de gestion global réalisé par des hommes de l’art (paysagistes, écologues...)
- Proposer des animations, rencontres et promenades autour de divers thèmes : la Garonne et ses crues, les milieux dunaires, les zones humides de la pinède...
- Créer des cheminements accessibles au plus grand nombre lorsque c’est possible (piétons, poussettes, handicapés...) afin de révéler les espaces de nature au public, en fonction de leur fragilité (piétinement, quiétude...)
- Maîtriser la qualité paysagère, architecturale et environnementale des équipements d’accueil écotouristiques : restaurants, hébergement, signalétique, stationnements, aires de pique-nique, points de vue, équipements techniques, à …
- Réduire la fréquentation des sites sur-investis en répartissant la pression vers d’autres lieux à ouvrir au public
- Canaliser les visiteurs par les aménagements afin de protéger les milieux fragiles
- Eviter le sur-entretien des espaces et sites naturels publics (gestion differenciée)
Orientation 4.6 - Intégrer les paysages de nature et d’eau au développement urbain et les valoriser
Les objectifs visés :
- Pérenniser et valoriser la présence de nature dans la ville
- Offrir des espaces de vie valorisants fondés sur une qualité paysagère et environnementale
- Promouvoir une culture environnementale auprès des habitants
Les principes à adopter :
- Etablir une trame paysagère d’ensemble à l’échelle intercommunale
- Fonder le projet urbain sur une reconnaissance des paysages et des milieux
- Faire appel à des hommes de l’art (paysagistes, écologues, urbanistes...) de l’amont à l’aval de l’opération
- Rechercher des synergies entre les fonctionnalités des espaces urbains et des espaces de nature (gestion de l’eau, productions à circuits courts de commercialisation, espaces de promenades et de loisirs,...)
- Mettre en place des aménagements spécifiques aux interfaces : les lisières urbaines, facilitant la gestion des fréquentations (voir aussi orientation 1.5)
Les dynamiques d’évolution récente
5.1 - De grandes implantations énergétiques marquant le paysage : centrale de Blaye, centrale thermique et dépôts pétroliers d’Ambès, lignes à haute tension, lignes aériennes
Certains paysages girondins sont marqués par la présence d’équipements importants de transport ou de production d’énergies. Ces infrastructures connaissent encore aujourd’hui des évolutions : démantèlement de la centrale thermique d’Ambès, création de gazoducs... Avec les récentes tempêtes, les réseaux aériens du massif ont été endommagés de façon conséquente, et font aujourd’hui l’objet de nombreux chantiers d’enterrement, modifiant les paysages perçus, notamment depuis les routes.
5.2 - Un développement des énergies renouvelables autour du photovoltaïque remis en cause
Plusieurs facteurs font de la Gironde un territoire pressenti pour le développement de l’énergie photovoltaïque : à l’ensoleillement important sur le département (entre 1 275 et 1 300 kWh/m² par an en moyenne) s’ajoute en effet une certaine disponibilité de l’espace (notamment dans le massif des Landes girondines). Néanmoins, après une période porteuse pour les projets de parcs photovoltaïques, cette dynamique s’est ralentie en partie du à l’évolution à la baisse du tarif préférentiel de rachat de l’électricité (en 2011). Les évolutions légales récentes mettent en avant la nécessité de développer les études d’impact et les efforts d’inscription paysagère pour tout nouveau projet (prise en compte des co-visibilités, réversibilité des installations,...).
5.3 - Un renforcement des petites installations énergétiques
A l’échelle des foyers, des productions domestiques d’énergies renouvelables commencent à voir le jour : installation de panneaux solaires (photovoltaïques ou thermiques), de chaudières à bois, ou de petites centrales hydroélectriques dans d’anciens moulins. Ces équipements permettent de réelles économies d’énergie, ainsi, la mise en place d’un système d’eau chaude solaire (ECS) peut assurer 50 à 70 % des besoins d’un foyer (en Gironde, 1 m² de capteur permet de produire en moyenne 40 l d’eau à 60°C). Ces sources sont également réparties sur le territoire, ce qui évite les pertes énergétiques liées au transport. Certains de ces équipements ont un impact - parfois négatif - sur le paysage qui les accueille, par exemple les panneaux solaires, le plus souvent implantés sur les toitures et donc très voyants. Le développement de ce type d’installations nécessite donc une prise en compte accrue des problématiques d’inscription au sein des paysages départementaux (caracaractéristiques architecturales,...) afin de mettre en œuvre des projets respectueux de l’image des territoires girondins.
Les objectifs de qualité paysagère et les exemples
Orientation 5.1 - Encourager le développement des énergies renouvelables économes en espace et créatrices de paysages
Les principes d’actions s’appuient notamment sur deux ouvrages publiés par l’Association des Paysagistes-conseils de l’Etat (APCE) (www.paysagistes-conseils.org/) :
- Optimisation qualitative du déploiement éolien dans le paysage français - Document d’aide et méthodologique réalisé par le groupe de travail “Paysage et énergie”- Octobre 2009
- Les paysages de l’énergie solaire - positions et recommandations de l’APCE - Document d’aide et méthodologique réalisé par le groupe de travail “Paysage et énergie” - Décembre 2010
Les objectifs visés :
- Promouvoir la production d’énergies renouvelables dans le respect des sensibilités paysagères et écologiques
- Inscrire les installations énergétiques de façon harmonieuse et créative dans le paysage
- Limiter la consommation d’espace par le développement des énergies
- Inscrire les enjeux liés au paysage dans les documents d’orientations et études sur les énergies
Les principes à adopter :
Principes généraux :
- Inscrire la réflexion sur la place des énergies renouvelables dans des approches paysagères globales, d’échelles régionale et départementale
- Définir à la fois des espaces favorables à la présence et au développement des centrales éoliennes/photovoltaïques, et des espaces « de respiration » sans perception de ces centrales
- Faire appel à des hommes de l’art (paysagistes) à toutes les échelles, côté maîtrise d’ouvrage et côté maîtrise d’œuvre
- Subordonner l’installation de production d’énergie à une démarche de projet de paysage
- Rechercher une cohérence spatiale à l’échelle du site (trame viaire, géométrie de l’espace, parcellaire apparent…) et anticiper les extensions urbaines à venir
- Privilégier les implantations apportant une réelle plus-value paysagère notamment à certains espaces délaissés
- Accompagner les centrales éoliennes/photovoltaïques par des mesures de valorisation du site (mesures agro-environnementales, qualification et gestion des limites, aménagement de l’accueil du public,...)
- Provisionner, dès la conception des centrales éoliennes/photovoltaïques, les coûts de démantèlement, de recyclage et de remise en état du site pour éviter l’apparition de friches.
- Favoriser la coordination de l’ensemble des acteurs des projets à l’échelle départementale (“guichet unique”)
- Promouvoir les énergies marines (énergies houlomotrices, énergies thermiques ou éoliennes offshore…)
- Développer une démarche pédagogique autour des paysages des énergies renouvelables
- Promouvoir la production de biomasse (chaufferies bois), favorisant la valorisation locale des haies champêtres
Principes spécifiques au solaire :
A. Privilégier les installations sur les bâtiments dans un projet global de paysage
- Appréhender le déploiement de panneaux solaires en toiture sur de très vastes surfaces (hangars agricoles, serres ou bâtiments d’activités) à l’échelle du paysage et non pas uniquement à l’échelle de l’objet architectural
- Eviter les bâtiments qui ont pour seule ou première fonction la production d’énergie solaire (pseudo – bergeries/hangars/serres etc)
- Prendre en compte l’ensemble des préoccupations urbaines et paysagères lors de la conception de nouveaux quartiers qui intègrent l’installation de panneaux solaires en toiture
- Porter une attention particulière à l’installation de panneaux solaires en toiture dans un contexte patrimonial, qu’il soit protégé ou non
B. Déployer de manière mesurée des installations de centrales au sol et uniquement lorsqu’elles sont créatrices de nouveaux paysages
- Eviter l’implantation sur les terrains dont les sols ont une valeur agricole, forestière ou écologique
- Implanter en priorité ces centrales sur les sols stériles, pollués ou délaissés (terrains vagues, surfaces artificialisées polluées, décharges fermées, friches industrielles, stériles de mines, bases militaires désaffectées, abords d’infrastructures, zones arides ou désertiques non cultivables, …)
- Réaliser des études prospectives du domaine foncier public pour d’éventuelles créations de centrales au sol sur les délaissés routiers, ferroviaires, militaires, etc
- Valoriser les espaces libres au sein des centrales photovoltaïques : cultures intercalaires, apiculture, élevage ovin, pépinière, réserves de chasse, volières à ciel ouvert, création de biotopes spécifiques - mares, …-, … ; car les structures de panneaux au sein d’une centrale photovoltaïque occupent au maximum 1/3 de la surface
- Soigner les limites d’emprises de la centrale, en recherchant, le cas échéant, la discrétion des clôtures et du végétal, adaptés au contexte
C. Planifier et gérer sur le long terme les paysages des centrales solaires
- Elaborer des schémas photovoltaïques locaux, par exemple à l’échelle des pays, proposant une stratégie de répartition des sites de production, en cohérence avec des logiques paysagères et évitant ainsi le mitage des paysages
- Évaluer le risque d’un éventuel changement de vocation des terrains que l’installation peut induire à terme (par exemple une extension de l’urbanisation à partir des terrains occupés par une centrale photovoltaïque)
Principes spécifiques à l’éolien :
- Définir à l’échelle régionale/départementale, à partir de critères paysagers (compatibilité/visibilité), techniques (potentiel de vent / raccordement au réseau), environnementaux (protection des espèces et notamment de l’avifaune et des chiroptères) et politiques (volonté de la population de développer ce type d’énergie) :
- d’un côté des “paysages éoliens”,
- et de l’autre, des “vides éoliens”, espaces de “respiration” depuis lesquels on n’apercevrait pas d’éoliennes.
- Assurer un équilibre et une harmonie visuels en accord avec les grandes lignes du paysage : reliefs, structures végétales, infrastructures, …
- Limiter le parc aux seules éoliennes, en réduisant au mieuxà les traces induites : enfouissement des lignes électriques d’évacuation de la production, limitation des structures d’accompagnement (bâtiments annexes, transformateurs, pylônes de mesures, …), absence de clôtures, réduction optimale des chemins d’accès, gestion du chantier et de l’après-chantier.
Photovoltaïque et apiculture, une synergie possible
Sur le territoire de la communauté de communes de Maure de Bretagne, un parc photovoltaïque est en cours de développement sur un terrain affecté actuellement au domaine agricole. La principale question que se sont posé les acteurs du projet est de comment faire en sorte que le parc photovoltaïque, qui grèvera a priori des terres actuellement affectées à l’Agriculture, permette au bout du compte de concilier production d’énergies renouvelables, défense de l’agriculture, aide à l’économie locale, et financement d’une politique sociale ? Une des pistes proposées et souhaitées est de saisir l’opportunité de la réalisation de ces parcs pour contribuer à la défense d’un secteur en difficulté qui est l’apiculture, et de favoriser le processus de pollinisation, dont on sait la valeur économique inestimable. Cette idée a été inspirée du rapport du député Martial Saddier "Pour une filière apicole durable", remis à Michel Barnier en octobre 2008.
José Mercier, maire de Bovel et la société Quénéa Energies Renouvelables, porteur du projet, ont imposés dès le départ du projet, de concevoir dans les études préalables les modalités techniques d’implantation des panneaux et l’espacement nécessaire entre les files permettant le passage d’un engin agricole adapté, afin d’assurer la possibilité de semer des plantes mellifères, productrices soit de nectar soit de pollen. L’objectif affiché est de mettre en place une réflexion et des dispositions concrètes pour une production d’énergie renouvelables en adéquation avec les défis actuels de l’agriculture et de la biodiversité. Des ruches seraient positionnées aux abords du parc. La production de miel, gérée par un apiculteur local, serait commercialisée dans un circuit court. Le miel pourrait être certifié comme miel issu de l’agriculture biologique. Une réflexion sur la production de gelée royale ou d’autres produits à usage thérapeutique, est à étudier en complément. On considère qu’une trentaine de ruches peuvent être accueillies sur une dizaine d’hectares, produisant entre 15 et 25 kg de miel chacune.
Des parcelles environnantes au terrain occupé par le parc photovoltaïque seraient plantées pour les abeilles. Il est prévu de mettre en place une observation du comportement des abeilles dans leur rapport avec l’installation photovoltaïque et avec les diverses espèces de fleurs plantées sur le parc et aux abords.
Orientation 5.2 - Poursuivre l’enterrement des réseaux aériens
Les objectifs visés :
- Valoriser les paysages urbains par la suppression des réseaux aériens
- Garantir l’alimentation en électricité lors des tempêtes
Les principes à adopter :
- Enterrer les réseaux aériens ou les faire passer en façades, selon les situations