B. La vallée de la Dordogne
Traçant son lit au sein des reliefs de l’est du département, la Dordogne a dessiné, au fil de ses fluctuations, une large vallée encaissée, nettement délimitée par de hauts coteaux boisés. Entre les amples méandres s’installe une agriculture variée, riche de belles pâtures humides, souvent mise en place grâce à des aménagements de la plaine (digues, réseaux de canaux). Associé à ce réseau, un maillage fin de circulations parcourt l’ensemble de ces plaines, desservant une urbanisation diffuse sur les fonds, plus dense - car contrainte par la morphologie - en pieds de coteaux. Vigne, berges et coteaux boisés, villages et routes-digues forment des paysages très riches et très changeants d’amont en aval.
Au fil de méandres assez prononcés, la vallée de la Dordogne voit se succéder divers paysages, caractérisés par les différentes largeurs de la vallée et du fleuve, et les implantations humaines qui en ont découlé. Isolé en territoire périgourdin, le méandre de Sainte-Foy-la-Grande présente une agriculture variée ; un peu plus en aval, au long de la rive gauche d’Eynesse à Saint-Jean-de-Blaignac, vignes et cultures se partagent l’espace ; la large plaine de Castillon-la-Bataille à Libourne, quant à elle, est largement occupée par la viticulture, à l’image du plateau de Saint-Emilion qui la surplombe ; après sa confluence avec l’Isle, la Dordogne prend de l’ampleur, et ses rives de Libourne à Saint-André-de-Cubzac laissent plus de place au bâti et aux marais, au détriment des cultures. Les quatre unités de paysages de la vallée de la Dordogne sont finalement :
B1. Le méandre de Sainte-Foy-la-grande
À l’extrémité est du département, le premier méandre girondin de la Dordogne définit une plaine agricole qui s’étend sur 9 km d’est en ouest et s’installe, du coteau à la rivière, sur 5 km au maximum. La proximité du département de la Dordogne fait naître ici un paysage hybride, déjà fortement marqué par la viticulture, mais bien plus varié que la vallée en aval. Il s’achève vers l’aval à Sainte-Foy-la-Grande, qui occupe une position resserrée de la vallée. La RD936 forme l’axe de communication principal d’est en ouest, parallèle à la voie ferrée à l’exception du tronçon plus récent contournant Sainte-Foy-la-Grande par le sud.
Document à télécharger :
Les communes concernées par l'unité de paysage B1
- PINEUILH
- SAINT-ANDRE-ET-APPELLES
- SAINT-AVIT-SAINT-NAZAIRE
- SAINTE-FOY-LA-GRANDE
- SAINT-PHILIPPE-DU-SEIGNAL
Une plaine variée, aux formations caractéristiques
Bien qu’elle n’apparaisse pas clairement depuis la RD936, la plaine agricole révèle ses paysages dès que l’on s’éloigne de la départementale : aussitôt franchie la marge urbanisée qui l’accompagne, on découvre la richesse de cette vallée, aux cultures variées. L’association de celles-ci, incluant des éléments peu communs dans le reste du département (séchoirs à tabac, vergers), compose un paysage à l’aspect jardiné et aux multiples visages.
Les haies et alignements structurent cet ensemble, et les ripisylves soulignent le réseau hydrographique complexe, créant une ambiance bocagère très différente des vastes étendues de monoculture viticole rencontrées plus à l’ouest. Divers étages de végétation se côtoient, enrichissant encore cette composition par la variété de leurs volumes : prairies, vignes, fruitiers, arbres.
Dans ce fond de vallée alluviale, les circonvolutions passées de la Gironde ont, plus qu’ailleurs, laissé des traces sur le territoire. Peu visibles au premier abord sur le terrain, celles-ci apparaissent clairement sur le bloc diagramme : ourlets boisés circulaires, ruisseaux... Ces traces traduisent en fait la présence d’anciens méandres de la rivière, qui se constituèrent alors que le débit du fleuve était moindre. Fixées dans le paysage par les usages humains (chemins, limites parcellaires), qui se sont adaptés aux microreliefs, et soulignées par la végétation, elles participent aujourd’hui de la composition complexe de la vallée.En limite de cette plaine, au nord, une route-digue suit les berges (RD130). Au long de celle-ci, on trouve quelques hameaux et de l’habitat dispersé, mais aucun vrai village ne s’est installé sur cette rive de la Dordogne. Sainte-Foy-la-Grande reste donc presque le seul port sur ce tronçon du fleuve (sur la rive périgourdine, Port-Sainte-Foy-et-Ponchapt ainsi que le Fleix ont aussi cette fonction). Au sud, le coteau de l’Entre-Deux-Mers s’élève. Sur les hauteurs et les pentes les plus raides, des friches boisées marquent la fin de ces paysages, tandis que les piémonts accueillent des parcelles de vignes, surplombant un bâti dispersé à la naissance de la plaine.
Sainte-Foy-la-Grande, un patrimoine à redynamiser
Sainte-Foy-la-Grande est le pôle urbain principal de cette unité. Cette bastide a été une place forte importante : fondée en 1255 par Alphonse de Poitiers, elle occupe un point stratégique, à la frontière de la Guyenne anglaise et du comté de Toulouse, sous domination française. Le patrimoine architectural assez préservé confère à la ville un charme certain, et un vrai potentiel touristique : la place centrale, l’église, le plan caractéristique de l’urbanisme des bastides, les quais sur la Dordogne... Toutes ces qualités contribuent à valoriser l’image de la ville, mais celle-ci est menacée par les évolutions en cours.
Aujourd’hui, bien que les limites administratives de la commune soient à peine plus grandes que l’enceinte de la bastide originelle, l’urbanisation s’étend par les faubourgs, sur le territoire de Pineuilh.
Ainsi, les zones d’activités et grandes surfaces commerciales fleurissent dans cette couronne, alors même que le centre-ville voit ses locaux commerciaux et ses logements désertés. Cet abandon du bâti mène à une dégradation progressive du patrimoine de la ville et de son animation. De plus, la présence du contournement sud menace d’accentuer et d’accélérer ce phénomène.
Une urbanisation linéaire qui fait écran au paysage
Rayonnant principalement à partir de Sainte-Foy-la-Grande, l’urbanisation se développe linéairement, au long des routes principales et secondaires. Ainsi, la D936 ne présente presque pas de vraies coupures d’urbanisation : tout au long de son parcours, elle est accompagnée d’un chapelet de constructions. Malgré une certaine mixité du bâti (bâtiments agricoles, de commerce, de logement...), cette omniprésence tend à uniformiser et banaliser les paysages traversés, qui sont pourtant d’une grande richesse.
On trouve cependant encore de rares vastes parcelles (vignes ou pâturages) qui s’étendent jusqu’aux abords de la route, dégageant des vues plus large et révélant ces paysages. Ces effets de coupures sont précieux, et permettent d’apercevoir en ’fenêtres’ la richesse paysagère de la plaine.
De même, quelques tronçons sont encore accompagnés d’alignement d’arbres qui valorisent la route et ses paysages, mais ils disparaissent dès que leur place devient trop prisée (élargissement de la voie...), phénomène aggravé par l’urbanisation linéaire.
La continuité bâtie est presque déjà une réalité entre Sainte-Foy-la-Grande et Saint-Avit-Saint-Nazaire, par la D936 mais aussi par la route locale plus au nord. Tout au long de celle-ci, les logements pavillonnaires implantés au centre de grandes parcelles et entourés de clôtures opaques forment un rideau continu, banalisant totalement ce parcours. De plus, aucun espace public n’accompagne cette urbanisation et rien n’est fait pour accueillir un éventuel usage alternatif à la voiture.
Au sud de Sainte-Foy-la-Grande, le contournement routier relance à son tour des dynamiques de périurbanisation. Traversant le territoire de Pineuilh, il prolonge l’axe de la RD936 sur un nouveau parcours, et on peut prévoir que cela destine toute cette frange à un développement périurbain. Déjà , quelques zones d’activité viennent miter les pâtures à proximité des échangeurs.
Enjeux de protection / préservation
Les coupures d’urbanisation autour de la RD936 et de la rue Jean Moulin : classement en zones inconstructibles des parcelles non-bâties au long des routes principales, valorisation paysagère des fenêtres ainsi préservées.
Enjeux de valorisation / création
Les alignements d’arbres : protection des tronçons encore plantés, plantation de nouveaux alignements en accompagnement des routes.
Les éléments forts de la plaine agricole (vergers, séchoirs à tabac, ripisylves, traces des méandres anciens) : protection en tant qu’éléments patrimoniaux, valorisation par la mise en place de sentiers.
Enjeux de réhabilitation / requalification
Le développement désordonné du bâti, notamment pavillonnaire : maîtrise du foncier autour du contournement, protection des coteaux de l’Entre-Deux-Mers, mise en place de documents d’urbanisme, de chartes architecturales et paysagères.
Le patrimoine bâti de Sainte-Foy-la-Grande : restauration des bâtiments dégradés, revalorisation du commerce local.
La voirie et les espaces publics de Sainte-Foy-la-Grande : aménagement en faveur du piéton, valorisation des espaces publics de la vieille ville.
Document à télécharger :
B2. La rive gauche d’Eynesse à Saint-Jean-de-Blaignac
En amont de Castillon-la-Bataille, c’est la rivière qui matérialise la limite entre Gironde et Dordogne : la rive gauche, girondine, se glisse au pied du coteau de l’Entre-Deux-Mers, évoluant d’une peau de chagrin à une large plaine au fil des méandres. L’occupation du territoire s’adapte à ces profils changeants, offrant différentes configurations au long de ce tronçon de vallée, qui s’étend sur 25 km d’est en ouest. Le lit majeur de la Dordogne prend de l’ampleur vers l’ouest : d’à peine 3 km de large au niveau de Sainte-Foy-la-Grande, il atteint le double en arrivant à Castillon-la-Bataille - laissant la plaine de Mouliets-et-Villemartin s’installer - mais les coteaux restent très présents tout au long, délimitant clairement l’emprise de la vallée. L’urbanisation se limite à quelques villages (Civrac-sur-Dordogne, Flaujagues, Pessac-sur-Dordogne, Eynesse) et aucune route importante ne traverse cette unité.
Document à télécharger :
Les communes concernées par l'unité de paysage B2
- CASTILLON-LA-BATAILLE
- CIVRAC-SUR-DORDOGNE
- EYNESSE
- FLAUJAGUES
- JUILLAC
- MOULIETS-ET-VILLEMARTIN
- PESSAC-SUR-DORDOGNE
- PUJOLS
- SAINT-ANDRÉ-ET-APPELLES
- SAINT-AVIT-DE-SOULÈGE
- SAINTE-FLORENCE
- SAINT-JEAN-DE-BLAIGNAC
- SAINT-MAGNE-DE-CASTILLON
- SAINT-PEY-DE-CASTETS
- SAINTE-RADEGONDE
- SAINTE-TERRE
- SAINT-VINCENT-DE-PERTIGNAS
Une occupation humaine très contrainte par la morphologie
De Sainte-Foy-la-Grande à Flaujagues, presque aucun recul ne se dégage par rapport à la rivière : quelques poches de terres, encadrées par de petits méandres, s’ouvrent sur à peine 1 km, tandis que partout ailleurs, le coteau plonge directement dans le cours d’eau.
Les versants sont le plus souvent boisés, trop raides pour être exploités autrement, mais quelques piémonts ont pu être plantés de vignes là où la pente est praticable.
Dans les poches de Pessac-sur-Dordogne et d’Eynesse, la plaine est partagée entre vignes, cultures et pâtures, ces dernières se développant surtout à proximité de la rivière. Quelques haies et arbres isolés achèvent de composer ces paysages, riches autant par cette variété d’usages que par leur situation, entre coteau et rivière.
Les hameaux se concentrent en pied de coteau et sur les berges, afin de laisser libre le plus d’espace agricole cultivable possible et de se protéger des inondations - grâce au bourrelet alluvionnaire ou aux rebords en dessous des versants. Cette configuration permet également le développement des activités liées à la rivière : à Eynesse et Pessac-sur-Dordogne, les anciennes cales témoignent du rôle que jouaient ces communes au sein des réseaux de transport et de commerce du vin. Ces relations construites, frontales, entre villes et rivières offrent souvent des configurations et des bâtiments intéressants.
La route circulant au long de ces berges, réduite au minimum, offre aussi des opportunités à exploiter. Au-delà du rideau boisé et enfriché qui la longe, la Dordogne pourrait se révéler d’avantage, retrouvant dans les perceptions des usagers la même importance que dans la constitution des paysages.
De nombreux bosquets et haies jouent un rôle majeur dans la lecture distante des paysages : depuis les coteaux, la vigne laisse percevoir tous les bâtiments qui occupent la rive, mais l’impact de leurs silhouettes sur la composition d’ensemble est atténué par les structures végétales qui les accompagnent.
Enfin, quelques châteaux complètent ce tableau. Souvent construits sur des terrasses en surplomb au-dessus de la rivière, ils ponctuent le parcours à travers cette unité et apportent de la variété par leurs différentes dispositions et architectures, s’imposant au milieu des boisements touffus du coteau (château Ribebon, château Vidasse...).
La plaine de Mouliets-et-Villemartin, une mosaïque agricole plus étendue
La plaine de Mouliets-et-Villemartin offre une vraie respiration et un large espace disponible pour l’agriculture. En effet, frôlant le coteau nord à Castillon-la-Bataille, la Dordogne laisse la rive gauche s’étaler sur plus de 4 km de large, et retrouver ainsi une surface réellement exploitable.De vastes surfaces sont dédiées à la vigne (au cœur de la plaine et tout au long de la rive) mais quelques boisements et prairies accompagnées de haies les parsèment et y apportent de la variété. C’est par contre au long des cours d’eau, petits affluent drainant tout ce terrain, que les terres labourées ou pâturées sont prédominantes, souvent accompagnées de végétaux qui animent ce paysage (haies, bosquets, et surtout les ripisylves de ces ruisseaux). Enfin, quelques vergers enrichissent la palette des cultures menées ici. Implantés au long de la berge, ils alternent avec les vastes parcelles de vigne.
Les terres s’étagent sur différents niveaux, mais sans réellement s’organiser en terrasses. Les très légers vallons creusés par les ruisseaux suffisent en fait à définir des terres plus basses, donc plus humides, ce qui explique la répartition des cultures. Quelques canaux ont été creusés afin de drainer des palus supplémentaires, soulignant de leurs tracés géométriques les découpages parcellaires de la plaine.Dans ces terres humides, de larges gravières ont aussi laissé une empreinte conséquente sur le paysage : elles forment aujourd’hui de grandes pièces d’eau, cerclées d’arbres pour certaines, qui marquent fortement ces espaces.
Un urbanisme originel compact, né de la contrainte
Pris entre le coteau et la berge, les petits villages de la rive gauche (Pessac-sur-Dordogne, Eynesse, Flaujagues) sont longtemps restés compacts, regroupements denses au bord de la rivière ; mais, aujourd’hui, un habitat individuel isolé en milieu de parcelle constitue le prolongement de ces noyaux villageois.
Le phénomène apparaît moins évident à Pessac-sur-Dordogne car la grande proximité du coteau de l’Entre-Deux-Mers a maintenu ces parcelles à une taille plus réduite. L’église, encore isolée face aux cultures à l’est du village, souligne cette plus grande concentration du bâti.
Dans les autres cas, ces extensions urbaines récentes montrent une certaine pauvreté architecturale. Elles s’implantent l’une après l’autre au long des routes, empiétant petit à petit sur les terres cultivées ou s’implantant sur les coteaux.
Enjeux de protection / préservation
Le mitage par le bâti : établissement de zones non constructibles, protection accrue des secteurs fragiles (berges, coteaux).
Les structures végétales : maintien des structures boisées et des vergers dans la plaine, maintien de la végétation accompagnant le bâti.
Enjeux de valorisation / création
Les installations portuaires : rénovation et aménagement des cales, mise en place d’accès facilités.
Les routes sur les berges : gestion du rideau de végétation et création de nombreuses fenêtres paysagères, aménagement de circulations douces au bord de l’eau, balisage de circuits touristiques.
Enjeux de réhabilitation / requalification
Les gravières : réaménagement en espaces de naturalité ou de loisirs, amélioration de l’inscription dans les paysages.
L’urbanisation diluée : définition de limites strictes aux extensions urbaines, densification des espaces peu construits, plantation de bosquets en accompagnement du bâti.
Document à télécharger :
B3. La plaine de Castillon-la-Bataille à Libourne
Légèrement en amont de sa confluence avec l’Isle, la Dordogne vient longer, en un large méandre, les coteaux de l’Entre-Deux-Mers, abrupte limite de la vallée qui enserre la rive gauche. Au contraire, la rive droite est dégagée en une vaste plaine, presque exclusivement dévolue à la viticulture, qui s’étend jusqu’aux contreforts de Saint-Émilion. Entre Castillon-la-Bataille et Libourne, celle-ci mesure une douzaine de kilomètres d’est en ouest, tandis que les coteaux sont distants d’environ 6 km l’un de l’autre. Au cœur de cet ensemble étendu, on perd la perception de la vallée en tant que telle, c’est une vaste plaine qui s’offre à la vue. La RD936, qui traverse Castillon-la-Bataille, et la RD670 concentrent les flux ; Saint-Sulpice-de-Faleyrens et Sainte-Terre restent plus isolés.
Document à télécharger :
Les communes concernées par l'unité de paysage B3
- BRANNE
- CABARA
- CASTILLON-LA-BATAILLE
- CIVRAC-SUR-DORDOGNE
- GREZILLAC
- MOULIETS-ET-VILLEMARTIN
- MOULON
- SAINT-AUBIN-DE-BRANNE
- SAINT-ÉMILION
- SAINT-ÉTIENNE-DE-LISSE
- SAINT-HIPPOLYTE
- SAINT-JEAN-DE-BLAIGNAC
- SAINT-LAURENT-DES-COMBES
- SAINT-MAGNE-DE-CASTILLON
- SAINT-PEY-D’ARMENS
- SAINT-SULPICE-DE-FALEYRENS
- SAINTE-TERRE
- VIGNONET
Une organisation du territoire optimisée pour la viticulture
Si le soin apporté à la vigne a permis d’élaborer des grands crus si réputés, c’est aujourd’hui la renommée de ces vins qui est la meilleure garante des paysages. Presque tout l’espace est consacré dans ce seul but : produire des vins de grande qualité. La permanence de cette vocation a d’ailleurs valu à la Juridiction de Saint-Émilion d’être inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO en 1999 en tant qu’’exemple remarquable d’un paysage viticole historique qui a survécu intact et est en activité de nos jours.
Depuis le pied des coteaux jusqu’à la rive de la Dordogne, la plaine s’organise en terrasses fines, correspondant à différentes occupations agricoles. La plus élevée s’étend du pied de coteau au nord jusqu’à la limite que forment la D19 et la D936, elle accueille exclusivement de la vigne ; la terrasse intermédiaire, jusqu’à la D123, reste majoritairement occupée par la vigne, mais des pâtures, des cultures et quelques boisements apportent un peu de diversité ; enfin, les terres les plus basses sont surtout occupées par des cultures et pâtures, les parcelles de vignes se concentrant alors à proximité du fleuve.
Ce système fonctionne par un réseau hydrographique précis, des canaux de drainage rejoignant ou complétant les affluents naturels de la Dordogne. Des digues, souvent empruntées par les routes, complètent ces aménagements pour maintenir les terres exploitables et adaptées aux différents modes de culture en place (notamment au long des berges).
Une occupation bâtie peu dense, mais omniprésente
Le bâti est très dispersé sur l’ensemble de la plaine, et on ne trouve que peu de villages groupés (Saint-Sulpice-de-Faleyrens, Saint-Pey-d’Armens, Sainte-Terre...). Mais, bien que cette présence soit assez réduite, l’horizon monoculturel bas de la vigne laisse l’œil percevoir tous ces éléments bâtis sur de longues distances. Si cela peut être valorisant pour le paysage dans le cas des châteaux - nombreux au sein des vignes et très visibles car dénués de parcs (réduits à une simple allée) - la vue générale en est très encombrée.
Le même phénomène accentue la présence des réseaux aériens : ils apparaissent fortement dans ce paysage sans verticales.
Ainsi, le pied du coteau nord présente une ligne bâtie presque continue, tout au long de la rupture de pente. Au-dessus, ce coteau offre un profil irrégulier, parfois doux mais souvent assez abrupt, découpé par de nombreux vallons annonçant le pays de Saint-Émilion. Le vignoble est ponctuellement surplombé de boisements et quelques villages s’accrochent au sommet (Saint-Émilion).
Un parcours noyé dans le végétal en rive droite
La route qui longe la rive droite, souvent juchée sur des digues, se glisse entre la berge enfrichée et souvent très opaque et une succession de vignes et de pavillons avec jardins. Les arbres reprennent donc de l’importance dans ce paysage : plus nombreux dans la partie sud de la plaine, ils modifient la perception du paysage, accompagnant les bâtiments ou ponctuant les prairies en bosquets. Mais l’écran végétal en bord de Dordogne coupe souvent toute vue sur la rivière, qui ne se révèle que très partiellement au promeneur.
Mis à part ces chapelets de pavillons, dont les jardins agrémentent ou enclosent le parcours de la route, on ne trouve presque pas de villages de ce côté de la rivière. Le principal centre d’intérêt de ce côté-ci est la terre, la maîtrise de l’eau comme moyen de communication étant laissée aux riverains du sud.
Une dissymétrie marquée entre les deux rives
Si la rive droite laisse une vaste plaine s’étendre dans la continuité d’un coteau plus doux, la rive gauche offre un tout autre visage. Le rebord abrupt du nord de l’Entre-Deux-Mers plonge dans la Dordogne, ne laissant pas toujours l’espace suffisant pour le passage d’une simple route (entre Branne et Moulon). Sur le peu de terres disponibles, vignes et pâtures se partagent l’espace. Le coteau, quant à lui, est presque intégralement couvert de boisements denses.
En revanche, une occupation humaine plus groupée s’est développée dans des villages compacts, pris entre coteau et rivière, directement connectés à celle-ci par des installations portuaires (Cabara, Branne, St-Jean-de-Blaignac). Avant la construction des ponts, ces lieux étaient déjà des points de communication entre les deux rives, mais par bateau, comme tendent à le montrer les toponymes des lieux-dits de la rive droite : le Port de Branne, Devant Cabara et le Port Saint-Jean. La RD18 relie tous ces villages, suivant la berge de près ou de loin. Comme de l’autre côté, la Dordogne est difficilement perceptible, ses abords directs étant longés par un rideau d’arbres conséquent.
Castillon-la-Bataille
La ville de Castillon-la-Bataille est située au sommet d’un méandre, à la rencontre entre la grand-route de la vallée (RD936), la rivière et le coteau. Elle est juchée sur un léger promontoire, défini au nord par la vallée du Rieuvert. Un port d’une certaine importance s’est donc développé à ce carrefour, assurant le commerce du vin entre Bergerac, Sainte-Foy-la-Grande et Libourne. Son château, l’un des plus puissants construits sur la Dordogne, n’a pas résisté aux guerres de religion.
Aujourd’hui, la façade portuaire offre encore quelques éléments intéressants (murs de soutènement, quais, chais...) mais peu valorisés par les transformations récentes (architecture banalisante, plots disgracieux...).
Quant au centre-ville, il souffre d’un aménagement très routier, dû à la fréquentation importante de la D936, et ne propose pas d’espace public réellement accueillant pour les piétons.
La pression urbaine exercée autour de ce pôle local de peuplement s’accompagne du développement de zones d’activités en périphérie de la ville, qui s’étendent au long des voies et menacent parfois les coteaux viticoles. Elles aggravent en outre la situation économique fragile des commerces du cœur de ville.
Des axes principaux qui catalysent les pressions urbaines
Si les villages sont coincés par le coteau et la rivière en rive gauche, et que la vigne reste prioritaire sur le bâti en rive droite, la pression urbaine n’en est pas nulle pour autant. A proximité de Libourne et Castillon-la-Bataille, l’urbanisation gagne un peu de terrain au long de la D670 et de la D936. Leurs abords sont peu à peu investis par des grandes surfaces ou des logements pavillonnaires. Les parcelles viticoles à proximité de Libourne sont happées par la ville, certaines originales se maintenant tout en étant encadrées de bâti.
Cet itinéraire (D670 - D936) accueille un trafic important, qui n’est pas sans causer des désagréments. Ainsi, le village-rue de Saint-Pey-d’Armens est traversé par un flux qui ne permet pas de développer un espace public de qualité.En dehors de ces axes majeurs, le réseau routier est constitué de voies très réduites : dédier d’avantage de surface à la circulation signifierait empiéter sur le vignoble... Un trafic assez important (presque périurbain) doit donc s’organiser sur un réseau d’échelle rural, occasionnant quelques difficultés, mais au bénéfice d’un paysage mieux préservé.
Enjeux de protection / préservation
Le patrimoine viticole : protection des terroirs constituant le vignoble.
L’urbanisation au fil des routes : arrêt du processus et définition de limites claires à l’extension des villes et villages, accompagnement végétal des constructions existantes adapté au contexte rural.
Le réseau hydrographique et ses ripisylves : maintien des canaux en service, entretien régulier du réseau, gestion de la végétation, mise en place de circuits de promenade.
Enjeux de valorisation / création
Le rideau boisé des berges : mise en place d’une gestion régulière, maintien d’ouvertures visuelles vers le fleuve, création de liaisons douces sur les berges.
Les installations portuaires : rénovation des quais et cales, aménagement des berges du fleuve, balisage de circuits touristiques.
Enjeux de réhabilitation / requalification
La présence visuelle du bâti dans le paysage viticole, les formes urbaines très diffuses : inscription dans le paysage viticole par un accompagnement végétal adapté au contexte rural.
Les réseaux aériens : enfouissement des divers réseaux.
Les extensions urbaines autour de Castillon-la-Bataille et Libourne : limitation des constructions par les documents d’urbanisme, mise en place de lisières agro-urbaines plantées.
Les espaces publics de Castillon-la-Bataille et Saint-Pey-d’Armens : réaménagement et requalification au bénéfice des piétons et cyclistes, diminution de l’espace attribué aux voitures.
Document à télécharger :
B4. La vallée de Libourne à Saint-André-de-Cubzac
Après sa confluence avec l’Isle, la Dordogne présente les dimensions d’un grand fleuve et s’écoule au fil d’une large vallée (environ 5 km) en suivant d’amples méandres. Sur une vingtaine de kilomètres, de la ville de Libourne à la naissance du Bec d’Ambès, des paysages variés s’inscrivent entre les coteaux - bas mais abrupts au nord, s’affaissant doucement au sud où s’achève l’Entre-Deux-Mers - mêlant urbanisation, viticulture, marais, céréaliculture, prairies ou encore friches broussailleuses. Une ripisylve continue souligne le parcours de la Dordogne, tandis que la présence végétale dans la plaine est disparate : si les boisements sont rares, haies et alignements accompagnent certaines cultures. La RD282 forme l’axe de communication majeur, desservant Saint-Loubès, Saint-Sulpice, Vayres et Arveyres et se prolongeant vers Libourne par la RD2089 ; l’autoroute A89 franchit aussi la vallée, juste en aval de Libourne.
Document à télécharger :
Les communes concernées par l'unité de paysage B4
- ARVEYRES
- ASQUES
- CADARSAC
- CADILLAC-EN-FRONSADAIS
- CUBZAC-LES-PONTS
- FRONSAC
- GENISSAC
- IZON
- LA RIVIÈRE
- LIBOURNE
- LUGON-ET-L’ILE-DU-CARNAY
- MOULON
- SAINT-ÉMILION
- SAINT-GERMAIN-DE-LA-RIVIÈRE
- SAINT-LOUBES
- SAINT-MICHEL-DE-FRONSAC
- SAINT-ROMAIN-LA-VIRVÉE
- SAINT-SULPICE-DE-FALEYRENS
- SAINT-SULPICE-ET-CAMEYRAC
- SAINT-VINCENT-DE-PAUL
- VAYRES
Une urbanisation circonscrite aux hauteurs
Bien que la basse vallée n’accueille que peu de constructions, du fait de son inondabilité, les surfaces bâties couvrent tout de même une part importante de cette unité. A l’est, Libourne occupe les derniers reliefs du plateau de Saint-Emilion ; en rive gauche, Vayres, Izon et Saint-Sulpice s’implantent sur une terrasse argileuse ; enfin, Asques, juchée sur son promontoire rocheux, forme un avant-poste des coteaux du Cubzadais. Toutes ces communes se sont implantées stratégiquement sur les hauteurs, hors de portée des crues. En cartographie, cette organisation se lit d’autant mieux aujourd’hui : les extensions urbaines occupent le plus souvent l’ensemble de ces sites naturellement protégés, jusqu’aux limites des terrasses supérieures. Ainsi, au long de la D242, la terrasse alluviale surplombant la vallée en rive gauche de la Dordogne est largement occupée par l’urbanisation, qui forme un lien - encore discontinu - entre l’agglomération bordelaise et Libourne. Les routes restent d’ailleurs, comme souvent, un axe privilégié de développement de l’urbanisation, favorisant la constitution de quartiers linéaires déconnectés des centres-bourgs.
Au long des berges s’égrènent aussi des implantations bâties, réparties en un chapelet discontinu mais présentes sur l’ensemble de l’unité. S’il s’agit le plus souvent de simples fermes, on trouve également quelques bourgs, constitués autour d’un port et liés le plus souvent à une ville plus conséquente (située sur les hauteurs ou sur l’autre rive). Ces points de contacts privilégiés avec le fleuve n’offrent pas aujourd’hui d’aménagements de qualité, ils constituent pourtant des sites importants au regard de la découverte et de la compréhension des paysages de la vallée.
Libourne et ses couronnes bâties
Libourne constitue, après l’agglomération bordelaise et le bassin d’Arcachon, un des pôles urbains majeurs du département. Située à la confluence de l’Isle et de la Dordogne, et à la rencontre de quatre unités de paysages distinctes (la plaine de Castillon-la-Bataille à Libourne, la vallée de Libourne à Saint-André-de-Cubzac, le Pomerol, la vallée de l’Isle), elle offre aujourd’hui de multiples facettes.
C’est d’abord une des huit bastides du département, la seule en rive droite de la Dordogne : fondée en 1270, elle a été conçue comme une annexe au port de Bordeaux. Jusqu’à ce point de confluence, la Dordogne est encore navigable pour les bateaux de mer, notamment grâce à la marée dont l’influence reste importante. Libourne est donc devenue un point de relais, à partir duquel les navires fluviaux assuraient le transport.
Ce passé a marqué fortement l’architecture de la ville, aussi bien dans le centre lui-même - large place bordée d’arcades, rues organisées en plan orthogonal - que sur son pourtour - quais longeant l’Isle, mails plantés à l’emplacement des anciens remparts. Ce patrimoine, bien conservé pour une partie (place centrale, porte du grand port), valorise les espaces publics de la ville. Les extensions récentes de Libourne, au-delà de cette limite des remparts, n’ont pas suivi la même logique d’organisation. Trois axes majeurs organisent ces faubourgs depuis les anciennes portes des remparts, traversant une première couronne encore dense, mais constituée d’îlots plus aérés que dans le cœur bâti ancien.
Les vignes restent présentes dans cette dernière couronne urbaine, petites enclaves cultivées cernées de lotissements et de zones d’activités. Ces parcelles agricoles sont précieuses, et contribuent à la personnalité de ces quartiers par ailleurs banals en termes d’architecture.
La viticulture
Dans cette partie de la vallée située entre les vignobles de Saint-Emilion, de l’Entre-Deux-Mers et du Cubzadais, la vigne, si elle n’est pas majoritaire, garde une place importante. Bien que la configuration du terrain ne lui permette pas de s’installer partout - une grande partie du lit majeur est trop humide pour produire un vin de qualité - elle reste présente de l’amont de Libourne jusqu’à la naissance du Bec d’Ambès, dans des proportions plus marquées à l’est.
La plupart des vignes sont situées sur le bourrelet alluvionnaire, juste au bord de la Dordogne : légèrement surélevées par rapport au fleuve mais aussi par rapport aux marais en retrait, ces terres sont également assez riches grâce aux apports alluvionnaires. Les parcelles viticoles disposent donc d’un sol propice car relativement bien drainé. Cette configuration explique aussi la présence de nombreuses fermes sur la berge, installées au plus près des vignes et non dans les basses terres. Au sommet de son promontoire, la ville d’Asques est encadrée de vignes, occupant l’ensemble des pentes en contrebas. Cet écrin viticole laisse se détacher la silhouette de la colline boisée et habitée, entité autonome détachée des collines du Cubzadais. L’urbanisation risque aujourd’hui de compromettre cette situation isolée, les extensions d’Asques et de Saint-Romain-la-Virvée ayant tendance à se rapprocher nettement ; seule la vigne permet encore aujourd’hui de singulariser ce promontoire. Quelques domaines complètent aussi ces paysages viticoles. Certains, installés sur les berges, voient l’architecture de leurs châteaux dialoguer avec le fleuve ; d’autres, autour de Libourne, créent des respirations surprenantes - et bienvenues - dans les espaces périurbains formant le paysage des bords de route.
Les plaines humides en fond de vallée
Derrière les bourrelets alluvionnaires s’étendent les terres plus humides du fond de vallée, sur lesquelles la vigne cède la place à d’autres modes d’occupation des sols. En rive droite, c’est la céréaliculture qui prend le premier rôle, tandis que les prairies et les friches semblent plus importantes en rive gauche.
La densité du réseau hydrographique dessine d’un côté comme de l’autre des paysages très marqués par les canaux et leur végétation. Même si les boisements sont peu nombreux, les arbres jouent donc un rôle certain dans la composition de ces paysages en soulignant ce système hydraulique. De plus, si la forêt occupe aujourd’hui une surface réduite, les parcelles en friche sont assez nombreuses, et, pour beaucoup, se voient déjà envahir par les boisements.
Enjeux de protection / préservation
Le patrimoine bâti de Libourne : classement et protection des bâtiments historiques de la bastide, aménagement des quais.
Les coupures d’urbanisation autour d’Asques : arrêt des constructions au fil des routes, maintien de la ceinture viticole au pied de la butte.
L’enfrichement des prairies humides : maintien de la pâture et gestion des boisements.
Enjeux de valorisation / création
Les fenêtres paysagères au long des routes : maintien de coupures d’urbanisation sur les terrasses alluviales, gestion des ripisylves sur les berges.
Les sites de contact avec le fleuve : aménagement des ports, valorisation des berges aux points clefs.
Les vignes urbaines autour de Libourne : maintien de l’activité viticole, aménagement des abords et création d’espaces publics liés à la vigne.
Les réseaux bocagers des fonds de vallée : gestion du patrimoine végétal, création d’itinéraires de promenade.
Enjeux de réhabilitation / requalification
Les extensions urbaines récentes : inscription dans les paysages par la constitution de lisières agro-urbaines plantées, reconnexion avec les centres-bourgs par des liaisons douces piétons-cyclistes.