I. Les Landes girondines
Le plateau landais forme le plus grand ensemble paysager du département, et se prolonge même sur une bien plus vaste surface, puisqu’il constitue, au sud, la quasi-intégralité du département des Landes. Couvert d’une couche plus ou moins épaisse de sable, il était constitué, jusqu’au XIXème siècle, de terres marécageuses, très humides, car l’extrême planéité du relief ne permettait pas le drainage des eaux. D’importants travaux ont complètement transformé ce territoire qui accueille aujourd’hui la forêt la plus importante d’Europe, constituée essentiellement de pin maritime. La gestion "industrielle" de ce milieu a créé un paysage boisé très maîtrisé, mais aussi agricole (maïs, tulipes), aujourd’hui sujet aux aléas économiques et météorologiques.
Au sein de ce très vaste ensemble, couvert quasi-uniformément d’une forêt artificielle de pins maritimes, il est délicat de définir des paysages vraiment distincts à l’échelle d’unités départementales : le relief minime et la gestion uniforme de ces paysages en effacent les particularités. C’est pourquoi nous avons plutôt choisi de traiter des typologies, liées à des spécificités que l’on peut retrouver en divers endroits : les vallées habitées, où le relief plus marqué s’accompagne d’une urbanisation groupée, tirant parti des zones mieux drainées à proximité des cours d’eau ; les landes rases, où les milieux naturels originels ont pu être préservés ; les clairières de cultures, où les vastes parcelles labourées dégagent des horizons immenses ; les lisières du massif, où les boisements cèdent progressivement la place (au bâti, à la vigne...). Les Landes girondines s’enrichissent donc de quatre configurations paysagères :
I. Les Landes girondines
Les Landes girondines occupent le Nord de l’immense triangle de la forêt des Landes, qui court de Soulac à Nérac et à Hossegor et forme le plus grand massif forestier d’Europe (plus d’un million d’hectares). Elles sont délimitées par la Pointe de Grave au nord, les lacs et les dunes du littoral à l’ouest, et par le Médoc, l’agglomération Bordelaise, les Graves et le Bazadais à l’est, le long de l’axe Gironde-Garonne. S’étendant sur environ 140 km du nord au sud et 90 km d’est en ouest, c’est la plus vaste unité paysagère du département. Couvrant le cœur du massif forestier - plus de 300 000 ha répartis sur les départements de la Gironde et des Landes -, le Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne a été créé en 1970, permettant de valoriser et de protéger ces milieux naturels et ces paysages, méconnus et fragiles.Au sein de ce territoire quasi-uniforme, quatre sous-entités ont été distinguées, pour affiner l’analyse de ce territoire plus riche qu’il n’y paraît :
- les vallées habitées : au sud de l’unité, les rivières (la Leyre, le Ciron, le Gât Mort, le Saucats) sont accompagnées d’une urbanisation plus marquée et de boisements feuillus ;
- les landes rases : les milieux naturels originels des landes ont été préservés sur de rares sites ;
- les clairières de cultures : de vaste champs - essentiellement du maïs - forment des clairières d’échelle monumentale au cœur de la forêt ;
- les lisières du massif : la forêt des Landes ne s’achève pas par des limites nettes, mais dessine des paysages de lisières particuliers en se mêlant aux unités voisines.
Les communes concernées par l'unité de paysage I
- ANDERNOS-LES-BAINS
- ARBANATS
- ARES
- ARSAC
- AUDENGE
- AVENSAN
- BALIZAC
- BELIN-BELIET
- BERNOS-BEAULAC
- BIGANOS
- BLANQUEFORT
- BOURIDEYS
- BRACH
- BUDOS
- CABANAC-ET-VILLAGRAINS
- CANEJAN
- CAPTIEUX
- CARCANS
- CASTELNAU-DE-MEDOC
- CASTRES-GIRONDE
- CAZALIS
- CESTAS
- CISSAC-MEDOC
- COURS-LES-BAINS
- CUDOS
- CUSSAC-FORT-MEDOC
- ESCAUDES
- FARGUES
- GAILLAN-EN-MEDOC
- GISCOS
- GOUALADE
- GRADIGNAN
- GRAYAN-ET-L’HOPITAL
- GUILLOS
- GUJAN-MESTRAS
- HOSTENS
- HOURTIN
- ILLATS
- LA BREDE
- LA TESTE-DE-BUCH
- LACANAU
- LAMARQUE
- LANDIRAS
- LANTON
- LARTIGUE
- LAVAZAN
- LE BARP
- LE HAILLAN
- LE NIZAN
- LE PIAN-MEDOC
- LE PORGE
- LE TAILLAN-MEDOC
- LE TEICH
- LE TEMPLE
- LE TUZAN
- LEGE-CAP-FERRET
- LEOGEATS
- LEOGNAN
- LERM-ET-MUSSET
- LESPARRE-MEDOC
- LIGNAN-DE-BAZAS
- LISTRAC-MEDOC
- LOUCHATS
- LUCMAU
- LUDON-MEDOC
- LUGOS
- MACAU
- MARCHEPRIME
- MARGAUX-CANTENAC
- MARIONS
- MARTIGNAS-SUR-JALLE
- MARTILLAC
- MERIGNAC
- MIOS
- MOULIS-EN-MEDOC
- NAUJAC-SUR-MER
- NOAILLAN
- ORIGNE
- PAREMPUYRE
- PESSAC
- PODENSAC
- POMPEJAC
- PORTETS
- PRECHAC
- QUEYRAC
- ROAILLAN
- SAINT-AUBIN-DE-MEDOC
- SAINT-GERMAIN-D’ESTEUIL
- SAINT-JEAN-D’ILLAC
- SAINT-LAURENT-MEDOC
- SAINT-LEGER-DE-BALSON
- SAINT-MAGNE
- SAINT-MEDARD-D’EYRANS
- SAINT-MEDARD-EN-JALLES
- SAINT-MICHEL-DE-CASTELNAU
- SAINT-MICHEL-DE-RIEUFRET
- SAINT-MORILLON
- SAINT-SAUVEUR
- SAINT-SELVE
- SAINT-SYMPHORIEN
- SAINT-VIVIEN-DE-MEDOC
- SAINTE-HELENE
- SALAUNES
- SALLES
- SAUCATS
- SAUMOS
- SAUTERNES
- SAUVIAC
- SILLAS
- SOUSSANS
- UZESTE
- VENDAYS-MONTALIVET
- VENSAC
- VERTHEUIL
- VILLANDRAUT
- VIRELADE
L’immensité
Aborder les landes girondines, qui se prolongent largement au sud pour couvrir le département voisin des Landes jusqu’à l’Adour, c’est plonger dans un paysage particulièrement étrange, d’abord marqué par l’immensité. Une immensité atypique en France et en Europe, où les paysages changent à des échelles plus rapides. Ici, aucun accident topographique majeur : le plateau sableux s’étire imperturbablement à l’horizontale, et porte aujourd’hui un océan de pins maritimes sur 1,4 millions d’hectares, comme il portait hier une mer infinie de landes humides dévolues aux troupeaux. Pour l’automobiliste pressé, cette immensité déroule sur des kilomètres de routes rectilignes un kaléidoscope de troncs démultipliés à l’infini. Mais les landes girondines, au-delà d’une monotonie apparente, sont d’abord ce réservoir d’espace unique en Europe, un territoire d’évasion. Cette valeur de l’étendue interroge nécessairement les projets en cours et à venir, qui pourraient la clôturer (photovoltaïque) ou la couper (lignes TGV, projet de voie de contournement de Bordeaux).
Un relief très plat, où l’eau s’écoule difficilement et dessine des paysages particuliers
Sur ce plateau uniforme et horizontal, constitué de sables apportés et triés par les vents, le drainage naturel des sols est très réduit, la pente n’étant pas suffisante pour permettre une évacuation efficace des eaux. C’est cette particularité hydrographique qui a constitué le paysage de landes très humides qui préexistait à la forêt de pins. Si un système agropastoral permettait alors à la population de tirer sa subsistance de ces terres pauvres (cf sous-unité I-b et ’le plateau et la forêt des Landes’), ce n’est qu’au prix de travaux importants de drainage artificiel que la pinède a pu être plantée, suite à une volonté forte de valoriser ce territoire.
L’eau est donc très présente dans ces paysages, même si elle reste souvent discrète : qu’il s’agisse des lagunes ou tourbières constituées naturellement ou des fossés de drainage creusés de main d’homme (les crastes), elle dessine des motifs particuliers et des réseaux complexes, apportant une certaine richesse écologique et paysagère dans les sous-bois de la pinède industrielle. Discrètement éparpillées dans la forêt en archipels, lagunes et zones humides occupent les légères dépressions de terrain plus ou moins envahies par l’eau de la nappe phréatique. Elles composent de nouvelles ambiances, intimes et mystérieuses, en général de grande qualité paysagère. Elles se présentent comme des mares ou des étangs de quelques mètres ou dizaines de mètres de diamètre, miroirs d’eau silencieuse et immobile, qui reflètent précisément les pins alentours : une dimension verticale qui s’oppose soudain aux immensités horizontales du plateau.
Ces lagunes seraient issues de la fonte de lentilles de glace piégées dans le sol lors des dernières glaciations. On y trouve toute la flore de la lande humide, mais aussi des plantes carnivores comme le droséra (rotundifolia et intermedia) ou l’utriculaire (Utricularia intermedia), la littorelle et le faux cresson de Thore (espèces protégées).Dans certains secteurs, par exemple aux sources du Ciron, dans la région de Lubbon et de Losse, un œil attentif pourra identifier d’anciennes lagunes asséchées : champ de molinie entouré d’une ceinture de fougère aigle. Dans la moitié sud de l’unité, les maigres ruisseaux du plateau finissent par former de véritables petites rivières, offrant des lumières particulières et immédiatement reconnaissables, avec leur fond sablonneux sur lequel court l’eau ferrugineuse d’une curieuse couleur orangée. Autour d’elles, le pin maritime a cède la place à d’autres essences, caduques, qui viennent offrir de toutes autres et précieuses ambiances (cf sous-unité I-a).
Les nombreux fossés creusés par l’homme afin d’ensemencer ces landes dessinent aussi un réseau important, structure discrète de ce paysage construit. Mais la valeur paysagère de ces crastes reste au stade de potentiel à développer, car les pratiques sylvicoles laissent rarement l’espace nécessaire au développement d’une ripisylve. Au sein des boisements résineux, on lit donc très peu leur présence, qui ne se révèle un bref instant que lorsque la route franchit leur cours.
La forêt de pins, une couverture pas si uniforme
Avant les projets de plantation généralisée des landes au XIXème siècle, le pin était déjà bien présent naturellement sur ce territoire, et couvrait alors près de 200 000 ha. Ces peuplements endémiques étaient principalement concentrés sur quelques buttes au sol moins gorgé d’eau et sur une partie des dunes littorales. Après la loi de 1857 (cf ’le plateau et la forêt des Landes’) et les travaux de drainage, le visage des landes s’est transformé radicalement pour devenir un paysage de sylviculture industrielle, intégralement géré par l’homme.
C’est de cette nature ’construite’ du paysage que peut naître une certaine monotonie, liée à l’unité du mode de gestion et à la très grande échelle des cultures. Mais ce mode de gestion implique aussi, à l’inverse, certaines variations paysagères : coupé aujourd’hui vers 40 ans, organisé en parcelles d’âge équienne, le pin maritime présente un paysage attractif lorsqu’il est adulte, grâce à la majesté des arbres qui dépassent les 20m de haut, mais aussi à la transparence des vues qui sont alors possibles à travers les troncs ; les coupes rases dégagent des hectares d’ouvertures dans le manteau boisé ; tandis que les jeunes peuplements bloquent toute ouverture visuelle.
Si la frugalité du pin maritime lui permet de couvrir uniformément le plateau sableux, les variations de l’humidité du sol influent sur le cortège floristique et dessine des paysages distincts sous la couverture boisée continue.
On en distingue trois types :
- Les paysages de lande sèche : les landes de bruyère
Contrairement à ce que l’on peut croire, la lande sèche n’est jamais bien loin d’un cours d’eau. Car c’est là que le sol est le mieux drainé. Les bruyères y dominent : la callune, la bruyère cendrée, auxquelles s’ajoutent les hélianthèmes (hélianthème à gouttes, hélianthème faux alysson), l’ajonc d’Europe, le genêt à balai, l’onagre qui égaie le bord des routes de ses fleurs jaunes.
- Les paysages de lande mésophile : les landes de fougère
Plus on s’éloigne des cours d’eau, moins le sol est drainé. Sur la lande mésophile, les terrains ni totalement secs, ni totalement humides, sont le domaine de la fougère aigle. Elle tapisse les sous-bois de ses frondes élégantes, rousse en automne/hiver et vert tendre au printemps/été.
- Les paysages des landes humides : les landes de molinie
Les paysages des landes humides se remarquent facilement à la couleur beige pâle de la molinie, herbacée qui envahit les semis de pins et tapisse les pinèdes. Elle est le signe de l’eau présente dans le sol : la nappe phréatique affleure, insuffisamment drainée par les ruisseaux ou les fossés. On la trouve donc dans les espaces interfluves, là où les ruisseaux sont absents ou à peine naissants. Ce sont ces landes humides qui ont le plus régressé, drainées par les crastes, asséchées par les plantations de pins, pompées pour la culture du maïs ou les cultures maraîchères.
Fragilité de la pinède
Si le pin est une espèce adaptée aux conditions de sol rencontrées ici, qui a permis de planter cette forêt aux dimensions spectaculaires, le massif landais reste fragile. Une fois résolu le problème de l’eau, son premier ennemi fut le feu : durant l’été 1949, plus de 130 000 ha de forêts ont ainsi été détruits. Des sous-bois et coupe-feux mal entretenus, trois étés de sécheresse successifs, et des vents violents ont mené à ce désastre écologique et humain (82 morts, l’incendie le plus meurtrier qu’ait connu la France). Des mesures ont été prises depuis afin de mieux maîtriser ces événements : surveillance, gestion régulière des coupes-feux, entretien des sous-bois, mise en place de réservoirs d’eau... La monoculture de pins reste néanmoins un milieu fragile, toujours exposé au risque des incendies. Plus récemment, les très violentes tempêtes subies par le territoire aquitain (Lothar et Martin en 1999, Klaus en 2009) ont révélé à la fois les risques nouveaux auxquels nous expose le changement climatique et la faiblesse structurelle des futaies régulières de la forêt landaise. La gestion en parcelles d’âge équienne laisse exposées des lisières peu résistantes, qui cèdent facilement en laissant sans défenses les peuplements suivants. Ces épisodes venteux destructeurs fragilisent les écosystèmes de la forêt : engorgement des fossés et des crastes, attaques massives d’insectes (scolytes, ips, erodée, hylesines), déstabilisation du biotope des gibiers.Enfin, le maintien d’un peuplement mono-spécifique ne permet pas de parvenir à l’équilibre d’un biotope naturel, et expose la forêt à d’autres risques. Face à une attaque parasitaire notamment, les pins courraient un risque majeur, et c’est donc l’ensemble du massif qui pourrait dépérir ; au contraire, un boisement constitué de plusieurs espèces serait plus à même de résister.
Une urbanisation très faible et dispersée
Du temps de la gestion agropastorale, les familles de bergers habitaient un airial, ensemble bâti constitué de la demeure et de quelques dépendances (grange, poulailler, four à pain...) ; l’habitat s’organisait en quartiers, lieux-dits réunissant plusieurs airials. Outre l’architecture caractéristique de la ferme landaise (ossature bois, toiture de tuiles basses, façade avec auvent - emban ou estantada - orientée à l’est ou au sud-est...), l’airial se distingue par son accompagnement végétal : à l’âge de l’agropastoralisme, l’airial forme un îlot boisé au sein de la lande rase. Implanté à proximité d’un cours d’eau afin de bénéficier d’un sol mieux drainé, il dessine un espace enherbé habité, entouré de ’varats’ (fossés) souvent doublés d’un talus planté, la ’dougue’. Avec la plantation des pins sur l’ensemble du plateau landais, cette situation s’est inversée : aujourd’hui les airials forment des clairières au cœur de la forêt, plantées de feuillus d’âge souvent vénérable (chênes), parfois encore pâturées par les moutons. Ce contraste crée des évènements privilégiés dans le paysage des Landes girondines, dessinant des espaces lumineux, plus ouverts et aérés que la pinède, frais et habités, en opposition aux sous-bois clos, sombres et déserts. Les arbres et les pelouses y déploient des teintes vertes plus claires que les boisements résineux alentour.
Bien que l’ensemencement de la lande ait été synonyme de regain pour la région, et que l’exploitation de la forêt ait permis de ralentir l’exode rural, la population est restée peu nombreuse, principalement dispersée dans les vastes étendues forestières. Quelques hameaux se développent en lien avec l’exploitation forestière ou le réseau ferré : Sainte-Hélène sur la ligne Bordeaux-Lacanau ; Marcheprime, développée par les frères Péreire à partir de la deuxième moitié du XIXème siècle sur la ligne Bordeaux-La Teste, en lien avec une exploitation forestière de 10 000 ha et une usine de distillation de la résine de pins produisant de l’essence de térébenthine.
Aujourd’hui encore, les Landes girondines restent le pays le moins peuplé du département, en contraste complet avec les agglomérations de Bordeaux et d’Arcachon qui le bordent. Parcourues par un réseau de longues routes rectilignes, elle voient leur population se concentrer dans quelques villes situées sur les carrefours : Sainte-Hélène, Le Barp, Hostens, Saint-Symphorien... A partir des noyaux originels, petits groupements bâtis implantés au long des axes, l’urbanisation s’est développée de façon particulièrement lâche, multipliant les lotissements pavillonnaires.
Les paysages de la route
La découverte des paysages des Landes girondines se fait avant tout par la route : RD1010 de Bordeaux à Belin-Béliet, RD3 et RD5 du nord au sud, RD106 de Bordeaux à Lège-Cap-Ferret... Les trajets reliant les villages isolés font parcourir de longues distances au travers de boisements sans fin. Développé pour l’exploitation de la pinède, le réseau des routes présente des tracés rectilignes, filant tout droit entre les arbres. C’est donc de la qualité de sa relation à la forêt et de son traitement d’accompagnement que dépend l’animation du parcours : légère surélévation ’en digue’ qui favorise les vues, enherbement des bas-côtés qui éclairent, égayent et donnent un air soigné, transparence de la forêt qui évite l’effet de couloir...
Suivant l’exemple de l’ancienne voie ferrée Bordeaux-Lacanau, transformée en piste cyclable, quelques axes proposent des liaisons douces, parallèles mais bien séparées de la route principale : ces itinéraires offrent l’opportunité d’une redécouverte des paysages forestiers des Landes girondines. Avec les pressions foncières grandissantes, exercées notamment autour des agglomérations de Bordeaux et d’Arcachon, certains tronçons de routes se voient gagnés par une urbanisation linéaire importante. Formée principalement de zones d’activités et de lotissements pavillonnaires, celle-ci constitue progressivement une écorce accompagnant les voies. Si quelques-unes de ces opérations profitent du contexte forestier pour proposer une architecture inscrite harmonieusement dans son contexte, la plupart s’implantent en bordure de voie et présentent une architecture banalisante. Les couloirs bâtis ainsi créés sont coupés des paysages voisins, sans proposer la qualité d’espaces urbains bien constitués. Plus grave, l’irrésistible urbanisation linéaire, en particulier au fil de la RD1250 (Bordeaux-Arcachon) tend à faire disparaître le vaste espace de respiration qui distingue l’agglomération bordelaise de l’agglomération arcachonnaise.
Enjeux de protection/préservation
Les milieux naturels humides (lagunes, tourbières, vallées) : protection des milieux, ouverture raisonnée aux visiteurs (vélos, randonneurs, canoës...).
Les ripisylves et forêts-galeries : gestion dans le temps et renouvellement de la forêt.
Les bords de rivières dans les vallées habitées : maîtrise du développement urbain et des activités touristiques.
La coupure d’urbanisation Bordeaux/Arcachon : arrêt de l’urbanisation linéaire, protection d’un vaste espace de respiration à l’échelle des deux agglomérations.
Enjeux de valorisation/création
L’habitat de type ’airial’ (clairières en forêt) : développement de quartiers et constructions contemporains inspirés des modes d’habiter traditionnels, confortement des centralités.
Le réseau des crastes et fossés : gestion et développement de ripisylves, mise en place de circulations douces.
Le réseau de circulations douces : poursuite du développement du réseau, aménagement de pistes cyclables.
Les grandes clairières de cultures : valorisation paysagère par la mise en place de structures végétales (en accompagnement des réseaux de drainage par exemple), traitement des abords des routes en transition de la pinède aux cultures (plantations d’alignements).
La gestion sylvicole de la pinède : mise en place de nouveaux modes de gestion permettant une meilleure résistance aux diverses menaces (futaie irrégulière, mixité résineux/feuillus...), prise en compte du paysage dans la gestion forestière.
L’habitat de type ’prairial’ (vallées, vallée de la Leyre en particulier) : développement de quartiers et constructions contemporains en lien avec les prairies de fauche ou de pâtures préservées.
Le bois dans la construction : développement de filière, encouragement à l’architecture contemporaine bois.
Le développement photovoltaïque : inscription dans un plan de paysage global à l’échelle du massif, définissant les emplacements et principes d’aménagement.
Enjeux de réhabilitation/requalification
Les futurs projets routiers ou ferroviaires : rétablissement systématique des continuités (routes, chemins, eau) pour limiter les effets de coupures.
Les routes en traversée de villages : Mise en place de larges trottoirs et de pistes cyclables, valorisation de l’espace public par la plantation d’arbres d’alignement, limitation de la place dédiée aux voitures.
L’urbanisation linéaire en sortie de bourgs : arrêt de la construction linéaire, revalorisation des haies et clôtures sur route et des emprises routières, mise en place de liaisons douces piétonnes et cyclistes vers les centres-bourgs.
Document à télécharger :
Les sous-unités de paysage des Landes girondines
À proximité de la Leyre, du Ciron, du Gât Mort et du Saucats, le paysage se distingue du reste des Landes girondines, car la proximité de ces cours d’eau assure un drainage plus efficace des terres. Les sols plus secs accueillent des feuillus, qui forment autour des rivières de majestueuses forêts-galeries : chênes et aulnes dominent ces boisements qui peuvent atteindre plusieurs kilomètres de large. Au sein de la monoculture de pins maritimes, des milieux plus riches sont ainsi préservés, favorisant la biodiversité et le maintien d’espèces précieuses.
Ces conditions favorables expliquent également la présence de villages en plus grand nombre dans ces vallées, implantés sur les terres saines à proximité des berges. Cette relative concentration urbaine s’est renforcée par une augmentation parfois très importante de la surface bâtie au cours des dernières années. Ainsi, la vallée de la Leyre voit aujourd’hui les villes de Belin-Béliet, Salles, Mios et Biganos s’étendre de façon marquée. Ces évolutions, encore largement consommatrices d’espace, font pression sur les paysages et milieux précieux offerts par ces vallées.
Deux clairières permettent encore d’observer les paysages originels des Landes de Gascogne, avant leur drainage et leur mise en culture au XIXème siècle : le Camp de Souge, situé à l’ouest de l’agglomération bordelaise, et le Camp du Poteau, sur le territoire de Captieux, à l’extrémité sud du département. Ces deux sites militaires n’ont pas été sujets aux mêmes transformations que le reste du plateau landais, on y trouve donc encore des landes humides marécageuses, proches des milieux naturels originels du pays. Des habitats devenus rares s’offrent ainsi aux animaux comme aux végétaux.
Suite aux grands incendies des années 1940, un nouveau modèle de culture s’est imposé : sur les vastes zones détruites par le feu, la forêt a laissé la place à de gigantesques parcelles de maïsiculture. Implantées sur les landes humides, celles-ci nécessitent des systèmes de drainage importants, qui tendent à menacer les biotopes propres à ces milieux. Mais parallèlement, les besoins en eau du maïs sont compensés par une irrigation conséquente, qui peut porter préjudice à la nappe phréatique. En termes de paysage, si ces clairières aux horizons très dégagés apportent une ouverture bienvenue et des espaces de respiration au cœur de la pinède, elles ne présentent pas de réelle richesse paysagère. L’absence de reliefs et de toute structure végétale, la transition nette des cultures aux boisements, n’offrent au regard qu’une opposition brutale entre plein et vide. Dans certains secteurs, le maïs laisse la place à des cultures maraîchères (carottes, haricots...) ou horticoles (tulipes) sur de grandes surfaces.
Si la pinède définit clairement l’emprise de l’unité de paysage des Landes girondines, ses limites ne sont pas aussi nettes. Contrairement aux clairières agricoles évoquées plus haut, délimitées par une opposition nette entre boisements et cultures, les lisières extérieures du massif ne dessinent pas de rupture précise. A l’ouest, la couverture boisée se prolonge presque jusqu’à l’océan Atlantique, mais le relief, l’hydrographie et l’urbanisme particuliers du littoral définissent les contours imprécis d’un paysage autre (cf unité J1 : la bande littorale). A l’est, à l’aval de Bordeaux, la forêt se délite au fur et à mesure pour laisser la place aux vignes médocaines, et un paysage de transition se dessine entre ces deux ensembles, constitué de lisières tortueuses et de clairières urbaines et viticoles. A l’amont de Bordeaux, le vignoble des Graves s’organise en grandes clairières et domine nettement la vallée de la Garonne qui s’annonce.